Inde : une économie émergente au défi de ses faiblesses structurelles
Vincent Caupin
Stéphanie Pamies Sumner
L’année 2014 et le premier semestre 2015 ont vu s’accumuler des signaux économiques favorables en provenance d’Inde. L’éclatante victoire aux élections législatives de mai 2014 du Bharatiya Janata Party (BJP, parti nationaliste hindou) et de son leader considéré comme « probusiness », Morendra Modi a, semble-t-il, convaincu les acteurs économiques et financiers et contribué au redémarrage de l’investissement. L’accession au pouvoir d’un parti d’alternance (et, pour la première fois, d’un gouverneur d’un État à la primature de l’Union) marque un tournant dans la vie politique indienne largement dominée par le parti du Congrès depuis l’indépendance du pays. Elle a mis également un terme aux larges coalitions gouvernementales, devenues quasi systématiques depuis les années 1990, qui rendaient plus difficile la mise en œuvre de réformes d’envergure. Lassée d’un processus de décision politique jugé long et complexe et de la multiplication des scandales de corruption à grande échelle, la « plus grande démocratie du monde » a donné une réponse politique à ses maux économiques et sociaux. Amélioration de l’efficacité politique, lutte contre la corruption, retour de la Shining India (concept popularisé dès les élections de 2004 par le BJP), tels sont les grands axes de l’agenda fixé par le nouveau gouvernement.Vincent Caupin
Stéphanie Pamies Sumner
Alors que le Brésil et la Russie sont entrés en récession et que l’économie sud-africaine apparaît durablement engluée dans une crise énergétique et des problèmes de gouvernance, l’Inde et la Chine demeurent les deux seuls pays des BRICS à poursuivre leur dynamique de rattrapage vis-à-vis des économies avancées. En outre, les autorités chinoises, préoccupées par la montée des déséquilibres macroéconomiques et financiers internes, ont engagé leur économie dans un processus de ralentissement contrôlé, qui conduit le FMI à anticiper que la croissance économique indienne sera en 2015, et pour la première fois depuis plus de vingt ans, supérieure à celle de l’économie chinoise.
Parmi les pays émergents chahutés depuis deux ans sur les marchés financiers internationaux en raison de l’anticipation d’une remontée des taux directeurs de la Réserve fédérale américaine, l’Inde semble être l’économie qui a su s’adapter le plus rapidement au nouveau contexte monétaire international. Les tensions de l’été 2013 sur la roupie se sont apaisées, alors que les monnaies latino-américaines, indonésienne ou turque continuent de se déprécier par rapport au dollar. La chute des cours du pétrole constitue également pour l’économie indienne, grande importatrice d’hydrocarbures, un choc positif des termes de l’échange.
Dans ce contexte, faut-il considérer l’Inde comme la nouvelle frontière de croissance de l’économie asiatique, voire de l’économie mondiale, avec ses 1,25 milliards d’habitants ? La réalité est bien sûr plus complexe et les bonnes nouvelles conjoncturelles masquent de multiples freins structurels. Ce chapitre offre un regard sur les changements structurels en cours dans l’économie indienne et les blocages qu’il faut à présent lever pour maintenir la dynamique de convergence du pays. Quelles sont les causes du décollage économique indien et celles-ci sont-elles susceptibles de perdurer dans les années à venir ? Cette croissance s’est-elle traduite par une amélioration des conditions de vie de la population ? Quels sont à présent les principaux défis de politique économique à relever ? [...]
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