Depuis plusieurs années, la croissance mondiale nous avait habitués aux prévisions maussades et aux avis de passages nuageux. C’est pourtant sous des auspices favorables qu’elle se présente au début de l’été 2017, amenant même nombre d’observateurs à porter un regard franchement optimiste sur ses perspectives. Alors que l’année 2016 avait marqué un point bas de la croissance mondiale depuis la crise, à 3,1 %, l’activité reprend de la vigueur en 2017, avec une croissance prévue de 3,5 % d’après le FMI, qui entrevoit même une légère accélération pour 2018 à 3,6 %. En outre, pour la première fois depuis 2010, la croissance accélère, à la fois dans les économies avancées et dans les économies émergentes (graphique 1). Le ralentissement annoncé en Chine reste sous contrôle, moins prononcé que beaucoup ne le prévoyaient, la croissance aux États-Unis rebondit alors même qu’on avait pu craindre qu’elle ne flanche, le redressement tant attendu se manifeste enfin dans plusieurs zones en crise (Russie, Brésil) ou en faible croissance (zone euro). Le taux de chômage moyen dans les économies avancées, qui avait atteint 8,3 % en 2010, est presque ramené à 6 %, son plus bas niveau depuis cette date, et relativement bas aussi dans une perspective de longue période [BRI, 2017]. Résultat, les signaux conjoncturels positifs s’accumulent et se renforcent. Le bleu est mis.
Paradoxalement, cette relative embellie arrive au terme d’une année chargée de symboles négatifs pour l’économie mondiale, le vote du Brexit comme l’élection de Donald Trump à la présidence américaine ayant été souvent présentés comme potentiellement catastrophiques pour la croissance. Même s’il faut se garder d’en tirer des conclusions sur leurs effets à terme, il faut bien constater que les impacts immédiats n’ont pas été significativement négatifs et qu’ils ont même, dans le cas américain, amélioré les anticipations des marchés sur la croissance et l’inflation. Le changement est notable, après des années passées à souligner aussi bien l’atonie de la demande, de l’investissement et le risque de déflation que les crises sévères de certains pays en regard des reprises molles des mieux lotis. Dans un tel contexte, il est tentant de voir dans cette amélioration les prémices d’un redressement structurel de la croissance mondiale. Faut-il donc considérer que l’économie mondiale, voyant enfin s’éloigner l’orage de la crise, peut espérer des jours plus cléments ? Dix ans après l’éclatement de la crise financière mondiale, il semble en tout cas légitime de se demander si le relatif dynamisme de la conjoncture ne marquerait pas une étape dans le régime de croissance de l’économie mondiale, si l’on entend par là les forces structurantes et les tendances dominantes sur les marchés mondiaux. Les changements de perspectives sont manifestes en matière de politique monétaire, d’inflation et de taux d’intérêt. Il reste que les incertitudes et les fragilités demeurent, tant les déséquilibres restent flagrants et parfois croissants, notamment dans la sphère financière. Les bonnes surprises du printemps 2017 sont-elles l’annonce d’un renversement de tendance, l’apurement de l’ardoise de la crise permettant de revenir à des fondamentaux plus sains pour la croissance mondiale ? Ou ne sont-elles qu’une heureuse coïncidence, dont on ne saurait espérer qu’elle se prolonge durablement ? Le printemps… ou une hirondelle ?
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