La région, ancrage de la globalisation commerciale
En dépit de la mondialisation, les échanges intra-régionaux dominent toujours le commerce international. Développés plus tardivement qu’en Europe ou en Amérique, les échanges régionaux représentent désormais plus de la moitié du commerce asiatique.
Par Deniz Ünal
Depuis la fin des années soixante, alors que la population mondiale a doublé et la production quadruplé, le commerce international a été multiplié par dix. Cette croissance remarquable des échanges a souvent pour cadre les régions géographiques [i]. La région Europe-CEI présente l’intégration régionale la plus poussée au monde, avec une part d’intra-zone qui s’élève à plus de 70 % des échanges totaux depuis plus de quatre décennies (graphique 1). Les échanges à l’intérieur du Marché unique européen y sont pour beaucoup, mais l’Europe a aussi remarquablement intensifié son commerce avec les pays de la Communauté des Etats indépendants issus de l’ex Union-Soviétique depuis le début des années 1990.
Graphique 1 : part des échanges intra-zone dans les échanges des grandes régions (en % des échanges de la région)
A l’inverse, l’ensemble « Afrique et Moyen-Orient » est celui qui a le moins développé ses échanges intra-régionaux. Même s’ils progressent depuis le début des années 1990, ceux-ci se limitent aujourd’hui à 12 % du commerce total de la zone. Pour cette grande région à fort potentiel de croissance, une meilleure insertion à l’économie mondiale allant au-delà des exportations des produits primaires vers le reste du monde devrait se concrétiser par une intégration régionale à l’instar de ce qui s’est produit dans les autres continents.
En Amérique, les échanges intra-zone correspondent actuellement à un peu moins de la moitié du commerce total. Le continent américain a connu un flux et reflux de régionalisation depuis la fin des années 1960. Les pays d’Amérique se sont plus orientés vers l’extérieur du continent jusqu’au début des années 1990. Puis, l’instauration d’une zone de libre-échange au Nord, entre les États-Unis, et le Canada et son extension au Mexique dans le cadre de l’Alena, ainsi que la mise en place du Mercosur, le Marché commun du Sud, ont sensiblement favorisé l’intégration commerciale du continent. Mais depuis le début du millénaire, avec l’émergence chinoise dans le commerce international, les flux américains s’orientent de plus en plus vers l’extérieur du continent.
L’intégration commerciale des pays d’Asie-Océanie a démarré plus tardivement. Les flux intra-zone se sont renforcés dans les années 2000 grâce à une division régionale du travail très active, notamment autour de la Chine [ii]. Aujourd’hui, l’Asie-Océanie n’est plus un vaste ensemble qui cherche ses débouchés sur les grands marchés américain et européen, les échanges mutuels des pays asiatiques représentent plus de la moitié du commerce total du continent (55 %).
Au niveau mondial, en 2011, le commerce intra-régional (graphique 2.A) dépasse nettement les flux inter-régionaux (graphiques 2.B et 2.C) : 56 % contre 41 % (la ventilation géographique des échanges est non disponible pour 3 % des flux mondiaux). Dans les échanges entre les cinq grandes régions du monde, les duos montants sont ceux où l’Asie-Océanie est impliquée (graphique 2.B). La part relative du commerce asiatique dans le monde a crû de 3 points depuis 1967 à la fois avec les partenaires de l’Amérique et avec ceux de la région Europe-CEI ; il atteint dans les deux cas 10 % du commerce mondial en 2011. La progression fut encore plus forte (+ 5 points) avec le partenaire Afrique et Moyen-Orient, la part du duo s’élevant à 7 % du commerce mondial en 2011. Le commerce transatlantique a été le principal perdant de l’émergence asiatique (graphique 2.C) : le poids relatif du commerce entre l’Amérique et l’ensemble Europe-CEI a été divisé par deux (7 % en 2011 contre 14 % en 1967) [iii].
Graphique 2 : Évolution des échanges à l'intérieur et entre les grandes régions (en % du commerce mondial)
Note : Les échanges qui impliquent des zones non ventilées ne figurent pas ici (3 % du commerce mondial).
Ce billet est extrait de « La géographie du commerce mondial, 1967-2011 », Panorama du CEPII, D. Ünal, n°2014-A-01, janvier 2014.
[i] Voir Gaulier G., S. Jean & D. Ünal-Kesenci (2005), « Régionalisation et régionalisme », in Economie mondiale 2006, Collection Repères, La Découverte.
[ii] Voir G. Gaulier., F Lemoine & D. Ünal-Kesenci (2005), « Chine : atelier du monde, marché pour l'Europe », La Lettre du CEPII, N°245, Mai.
[iii] Voir S. Jean & D. Ünal (2013), « Les échanges transatlantiques dans la concurrence mondiale », in Economie mondiale 2014, Collection Repères, La Découverte.