Le blog du CEPII

Le point sur la crise des dettes publiques

Retranscription écrite de l'émission du 22 décembre "Les idées claires d'Agnès Bénassy Quéré", chronique hebdomadaire sur France Culture le jeudi matin à 7h38.
Par Agnès Bénassy-Quéré
 Audio du 29 décembre 2011


 
C’est la trêve de Noël. Les spéculateurs eux aussi ont des familles, un sapin, des cadeaux. Alors c’est le moment de prendre un peu de recul par rapport à cette crise des dettes publiques qui nous ronge depuis deux ans.

On a en effet l’impression que le même scenario se répète sans cesse :
1) la spéculation se renforce sur un Etat membre, faisant monter en flèche le taux des emprunts d’Etat, ce qui rend, par un effet boule de neige, la situation budgétaire insoutenable ;
2) les dirigeants européens se réunissent en urgence, mettent sur la table quelques centaines de milliards d’euros et renforcent la discipline budgétaire ;
3) les marchés sont d’abord impressionnés, puis le doute s’installe sur le détail et la mise en œuvre des décisions ;
4) la spéculation reprend et la banque centrale européenne intervient pour calmer les marchés jusqu’au sommet suivant, etc. 

A ce jeu, n’est-on pas en train de dilapider l’argent des contribuables sans avancée véritable dans le traitement de la crise ? Brice, faisons-nous du sur-place ? Eh bien non. Depuis deux ans, en dépit des apparences, les choses ont beaucoup changé en Europe. Rappelez-vous l’ambiance au début de la crise et le « nein » des allemands tous azimuts : pas d’union de transferts, pas de défaut souverain, pas de monétisation des dettes, pas d’euro-obligations.

Or que voit-on aujourd’hui ? Les partenaires européens tiennent la Grèce à bout de bras : il y a donc bien une union de transferts. La Grèce, toujours elle, s’apprête à faire défaut sur une partie de ses dettes vis-à-vis du secteur privé : il y aura donc bien un défaut souverain. La Banque centrale européenne a acheté pour plus de 200 milliards d’euros d’obligations publiques : il y a donc bien monétisation. Il n’y a toujours pas d’euro-obligations, certes, mais on peut désormais en parler calmement avec les Allemands. Bref, la situation a évolué, et cela sans modification du traité européen. Alors, que nous manque-t-il pour sortir de cette crise ? Essentiellement deux choses, me semble-t-il, qui impliquent chacun des deux grands partenaires européens.

D’abord, il faut que les Allemands prennent conscience du fait que la discipline budgétaire seule ne suffira pas pour nous tirer d’affaire : s’il n’y a pas de croissance, si les Etats membres continuent de supporter individuellement les risques bancaires, alors les finances publiques ne seront pas à l’abri malgré les plans de rigueur successifs. Il faut mettre autant d’énergie à redresser les perspectives de croissance qu’à s’occuper des dépenses publiques. Rappelons que pour les économistes, la véritable règle d’or vise à optimiser le taux de croissance et non à comprimer les déficits publics.

Ensuite, il faut que les Français comprennent qu’il n’y aura pas d’euro-obligations, pas de mutualisation des dettes sans intégration politique. C’est logique, mais orthogonal à la préférence typiquement française pour l’inter-gouvernemental.

Il y a donc bien une voie de sortie. Mais est-elle compatible avec les dynamiques politiques de part et d’autre du Rhin ? Réponse en 2012, et bonne année à tous.

 
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