Le blog du CEPII

Pas à pas, renforcer la zone euro.

Les Européens ont fourni des réponses inégales aux différents volets de la crise. Le premier Policy Paper G-MonD fait un point sur ces avancées et discute des défis qu'il reste à affronter.
Par Benjamin Carton, Christophe Destais, Sophie Piton, Agnès Bénassy-Quéré, Yves-Emmanuel Bara
 Billet du 13 décembre 2012


Les Européens n’ont agi jusqu’à présent que dans l’urgence pour résoudre la crise à laquelle ils sont confrontés. Ces tâtonnements ont été l’objet de nombreuses critiques et jugés insuffisants pour fournir une réponse globale. Mais l’union monétaire européenne est une expérience inédite. Pas à pas, des réponses ont été apportées aux quatre volets de la crise : la dette souveraine, les banques, la compétitivité et la gouvernance.

Dans le premier Policy Paper G-MonD du CEPII et  de PSE, nous montrons que ces avancées partielles et successives ont permis d’ébaucher certains éléments d’une réponse globale à la crise de la zone euro. Concernant la dette souveraine, les européens ont peut-être fourni la réponse la plus élaborée avec la création d’un fonds de sauvetage permanent par les Etats Membres mais aussi grâce aux interventions de la Banque Centrale Européenne (BCE). Les projets d’union bancaire et de création d’un fonds commun de résolution sont des solutions, certes préliminaires, mais tout de même encourageantes concernant la crise bancaire. Le problème de la compétitivité est quant à lui plus complexe : concilier désendettement et dévaluation interne est délicat et peut mener vers un cercle dépressif. Enfin, nous doutons de la pertinence de la consolidation de la surveillance budgétaire ainsi que de son élargissement à la surveillance macroéconomique.

Plusieurs sujets-clés font encore l’objet de débats au niveau européen, notamment : la stratégie d’ajustement à court-terme, la restructuration et la mutualisation des dettes et les nouveaux transferts de souveraineté, en particulier concernant la politique budgétaire et la surveillance bancaire.

Afin de poursuivre les pas déjà empruntés par les Européens, nous recommandons :

Concilier désendettement et ajustement macroéconomique.
Tout ajustement macroéconomique dans les pays en crise devrait être mené en évitant l’effondrement de la demande domestique qui inhibe le processus de désendettement. Une politique budgétaire gérée au niveau de la zone euro devrait permettre de retarder les contractions budgétaires dans les pays qui ne sont pas en crise quand la demande agrégée est atone. Les restructurations de dettes devraient permettre d’éviter de nouvelles crises systémiques.

Renforcer la compétitivité des pays périphériques.
Un engagement ferme de la part de la BCE de mener une politique monétaire flexible pendant une période significative devrait permettre un affaiblissement de l’euro ainsi que le rééquilibrage de la compétitivité à l’intérieur de la zone par le biais des différentiels d’inflation. Supprimer les rentes dans les secteurs des biens non-échangeables devrait permettre de créer des emplois dans ces mêmes secteurs et d’encourager le capital à se déplacer vers les secteurs d’exportation grâce aux différentiels de prix.

Mutualiser les dettes souveraines.
La mutualisation partielle des dettes souveraines pourrait permettre de passer d’une surveillance ex-post à une surveillance ex-ante. Nous reconnaissons néanmoins qu’il y aura sûrement trop de dettes et pas assez de confiance entre les Etats Membres pour permettre une mutualisation du stock de dettes existantes, sauf si des programmes de rachat avec réduction de dettes sont menés sur le marché secondaire. L’utilisation de paniers de titres souverains (sans responsabilité mutuelle) pourrait être un premier pas vers une mutualisation à part entière.

Achever l’union bancaire.
La provision de liquidité pour les banques était nécessaire afin d’éviter que la crise de confiance de la fin 2011 ne se prolonge pas en une récession. Néanmoins, il est essentiel que les banques européennes soient recapitalisées, notamment par la rétention de profits. L’union bancaire est nécessaire afin d’aligner les intérêts des superviseurs avec ceux de la zone euro et pour limiter la fragmentation financière. Néanmoins cette supervision européenne ne devrait pas se substituer à la régulation macro prudentielle ou à des restructurations quand elles sont nécessaires.

Instaurer des transferts entre pays de la zone euro.
Des transferts entre pays membres seront inévitables. Dès 2013, il faudra envisager la participation du secteur public pour la restructuration de la dette grecque. A moyen terme, la confiance des citoyens dans l’Union Européenne dépendra de la capacité de mener les ajustements macroéconomiques dans un environnement social acceptable et de reconstruire la confiance. Enfin, à plus long terme, puisqu’une union monétaire tend à agglomérer les facteurs de production là où la productivité est la plus élevée, les régions les moins productives devraient être compensées, dans une certaine mesure. Une assurance chômage au niveau de la zone euro pourrait jouer ce rôle.

Redéfinir un policy mix et mener des réformes institutionnelles.
Il est nécessaire de repenser la prise de décision en matière de politique budgétaire au niveau de la zone euro, avec un « gouvernement » propre à la zone qui ait l’autorité pour concevoir une politique budgétaire agrégée mais aussi qui soit légitime pour être plus intrusif dans les politiques nationales quand les règles ne sont pas respectées. Concernant la politique monétaire, la BCE devra trouver un compromis entre prendre le risque de préserver l’euro et d’être soumis à des politiques budgétaires non soutenables.

Aucun de ces pas n’est décisif mais ensemble ils permettront de renforcer la zone euro de fournir à l’ensemble des agents une vision de long terme.
 
Ending the Euro Crisis: Crossing the River by Feeling the Stones”, G-MonD Policy Paper, n°1, par Agnès Bénassy-Quéré, Yves-Emmanuel Bara, Benjamin Carton, Christophe Destais et Sophie Piton, novembre 2012.
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