Le blog du CEPII

Economie turque : la pauvreté dans la croissance

En un an, les prix auraient grimpé de plus de 60% en Turquie selon les chiffres officiels, 110% selon des indépendants. Alors que la croissance avait permis au président Erdogan de s'attirer les faveurs de larges pans de la population, les déboires économiques actuels pourraient signer sa chute.
Par Deniz Ünal
 Audio du 10 mai 2023 - Dans les médias


  00:58:11



Avec

 
  • Deniz Unal Économiste au Centre d’études prospectives et d’informations internationales (Cepii)
  • Ahmet Insel Professeur retraité de l’université de Galatasaray à Istanbul, éditeur
  • I?il Erdinc Enseignante chercheuse dans le département des sciences sociales et des sciences du travail de l’Université libre de Bruxelles

En pleine campagne électorale, la Turquie connaît des difficultés économiques sans précédent et une inflation record : entre 65 à 112% selon les sources selon qu'elles soient officielles ou indépendantes. Depuis 2018, la valeur de la livre turque a été divisée par trois et surtout, quatre millions de Turcs sont passés sous le seuil de pauvreté en 2022.

Pourtant, l’AKP, le parti de la Justice et du Développement, a obtenu sa popularité dans les années 2000 en enrayant la crise économique et en développant un modèle de réussite politico-économique adossé à un accès à la consommation et au crédit. Entre 2003 et 2012, le revenu turc moyen par habitant a été multiplié par 2,5 et le dynamisme de la croissance a permis de faire émerger une classe moyenne élargie, devenue le socle électoral de la domination d’Erdogan.

 

Malgré la crise, le PIB turc ne fléchit pas pour autant puisque le pays affiche une croissance insolente de 5,6% en 2022. Mais cette croissance en trompe l'œil n’est plus suffisante pour convaincre l’électorat, de plus en plus sensible au discours de Kemal Kiliçdaroglu, le candidat de l’opposition, qui promet de remettre la Turquie à flots sur le plan économique.

Comment expliquer ce paradoxe de l’économie turque, entre méga-projets d’infrastructures, promotion immobilière florissante et paupérisation à grande échelle ? Pourquoi Recep Tayyip Erdogan s’entête-t-il à occulter le problème de l’inflation, quitte à maquiller les statistiques à ce sujet ? Et enfin, comment les acteurs de l’économie, patronat, syndicats, réagissent-ils face aux ratés du modèle de développement institué par l’AKP depuis son arrivée au pouvoir ?

Julie Gacon reçoit Deniz Ünal, économiste au Centre d’études prospectives et d’informations internationales (Cepii) ainsi que Ahmet Insel, professeur retraité de l’université Galatasaray, éditeur.

Selon Ahmet Insel, les mesures économiques décidées par Erdogan juste avant les élections ont tout du populisme : “Gratuité de la livraison de gaz, titularisation de 400000 contractuels de la fonction publique, ces dépenses décidées dans l’urgence visent à récupérer une partie de l’électorat populaire en compensant les pertes importantes de pouvoir d’achat générées par l’inflation. C’est d’autant plus dangereux que les conséquences budgétaires ne se verront qu’après les élections.

Les chiffres officiels ne sont pas transparents et les économistes indépendants sont inquiétés depuis la loi contre la désinformation votée par l’AKP en 2022” explique Deniz Ünal.

 

Ce podcast et cet article sont à l'initiative de France Culture. Consulter le contenu original.

Politique économique 
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