L’économie mondiale a mieux résisté que prévu en 2022. La croissance mondiale a certes été divisée par presque deux entre 2021 et 2022, passant de 6,1 % à 3,4 %, mais avec une guerre au cœur de l’Europe, une inflation comme on n’en avait plus connu depuis des décennies, une crise énergétique avec des prix du gaz européens qui ont atteint des sommets, un resserrement généralisé des politiques monétaires, des turbulences financières importantes… on pouvait craindre un atterrissage plus brutal de l’économie mondiale. Les perturbations des marchés de l’énergie et de l’alimentation se sont atténuées à la fin de l’année 2022, ce qui a permis à l’inflation de décélérer. Les pressions inflationnistes restent cependant élevées, avec un débat qui fait rage sur le rôle des profits dans ce phénomène. Pour les banques centrales en tout cas, le remède pour freiner cette inflation encore trop forte reste, encore et toujours, de durcir la politique monétaire, pour comprimer la demande et casser les anticipations de hausse des prix. Un diagnostic qui ne va pas de soi, et qui pourrait aggraver une conjoncture économique déjà fragile, sans avoir d’effet notable sur l’inflation. Un tel durcissement des politiques monétaires pose d’autant plus question que les fragilités financières sont importantes, et pourraient s’aggraver : des faillites de banques régionales aux États-Unis et d’une banque systémique en Suisse, des risques pour la stabilité financière liés aux institutions non bancaires, des vulnérabilités fortes des pays en développement liées à leurs dettes publiques, un retournement des marchés immobiliers sont autant de symptômes de risques financiers revenus au premier plan. Ces vulnérabilités financières sont aussi révélatrices des fragilités de modèles de croissance à bout de souffle, qui se sont développés depuis les années 1980, en favorisant l’endettement, la croissance via les booms immobiliers au détriment de l’innovation et des tissus productifs locaux. L’ancien consensus de Washington, qui privilégiait privatisations et libéralisations, vacille et est en passe d’être remplacé par un nouveau paradigme qui consacre le retour des États dans la gestion éonomique et où l’ouverture n’est plus considérée comme une fin en soi. Sous l’impulsion de Joe Biden aux États-Unis, priorité est donnée à la politique industrielle, pour retrouver un leadership dans les industries d’avenir, sauver le climat et retrouver la confiance des classes moyennes. Une recomposition de la mondialisation et du cadre international qui fait craindre à certains qu’elle ne soit dommageable aux pays du Sud, alors même que la défiance de ces derniers à l’égard des pays du Nord s’accentue.
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