Libéraliser le commerce mondial des services pour renforcer la compétitivité des pays européens
En Europe, le débat sur la compétitivité porte essentiellement sur l’industrie. Les services restent dans l’ombre. Pourtant ce secteur représente un des plus importants viviers d’emplois et constitue un net avantage comparatif pour ces pays.
Par Cristina Mitaritonna, Matthieu Crozet
En France, comme dans la plupart des pays Occidentaux, la compétitivité de l’industrie manufacturière est au cœur des préoccupations. Pour cause, les pertes importantes de parts de marchés ces dernières décennies et l’accélération du processus de désindustrialisation qui a détruit des centaines de milliers d’emplois. Afin de résister à la pression concurrentielle des pays émergents, les décideurs politiques des anciens pays industrialisés ont deux types de solutions. Une solution offensive : la modération des salaires et l’investissement dans la recherche et le développement et dans la montée en gamme. Mais la crise a ravivé des arguments défensifs et les discours protectionnistes gagnent en popularité.
Ainsi, le débat sur la compétitivité et la nécessité d’utiliser des mesures de protection commerciale concerne uniquement l’industrie. Le cas des services reste dans l’ombre, et ce peut être problématique ! Les pays de l’Europe de l’Ouest bénéficieraient surement d’une promotion offensive de la libéralisation du commerce.
Les services représentent le secteur le plus important de l’économie, avec 70% de la valeur ajoutée mondiale et plus de la moitié de l’emploi total. Toutefois, leur part dans les échanges mondiaux reste limitée (21% du commerce mondial en valeur, OMC 2010), en partie en raison des niveaux élevés de protection réglementaire des marchés nationaux. Pour cause, les services n’ont été inclus que très récemment dans les accords commerciaux bilatéraux ou multilatéraux. Leur inclusion dans le cycle de l’Uruguay a mené à l’Accord général sur le commerce des services en janvier 1995.
En raison du rôle croissant des services dans le commerce mondial, les économistes ont commencé à s’intéresser à ce domaine. Ce n’est pas une tâche facile. L’évaluation des gains issus de la libéralisation doit reposer sur des mesures correctes des niveaux de protection. Or, mesurer le niveau effectif de protection dans les services, théoriquement ou empiriquement, est ardu.
Une première difficulté tient à la nature spécifique des services, comparés aux biens. La proximité entre producteur et consommateur est souvent nécessaire ; en raison de leur nature intangible les obstacles aux échanges de services diffèrent de ceux auxquels sont confrontés les échanges de biens. Ces obstacles prennent la forme de quotas, de licences, d’interdiction d’exercer certaines activités pour les étrangers, ou encore d’accès privilégié pour les entreprises nationales. Ainsi, libéraliser les échanges de services signifie-t-il pour un pays une adaptation de ses réglementations. D’un point de vue technique ainsi que de politique économique, la reformulation des régulations a beaucoup plus d’implications que la simple réduction d’un droit de douane. De plus, la valeur exacte de l’équivalent droit de douane des réglementations existantes est une question complexe : les données sur les réglementations appliquées sont rares et transformer cette information qualitative en indicateur quantitatif est difficile. Néanmoins, plusieurs travaux ont tentés de mesurer les barrières existantes dans le commerce des services.
Une récente étude du CEPII, par Fontagné et al., tente d’évaluer le niveau effectif des barrières au commerce de services. Les auteurs utilisent une approche très globale, n’incluant pas seulement les barrières officielles. Il s’agit de révéler le niveau de protection réel en comparant le commerce de services effectif au niveau qu’il devrait avoir en condition de libre échange. La différence entre les deux valeurs correspond au commerce « manquant » du fait des restrictions en place.
Les résultats du modèle (9 secteurs, 65 pays) confirment l’existence d’importantes barrières, même si les économies avancées protègent moins leur secteurs de services. Les secteurs les plus libéralisés sont ceux du transport avec un équivalent droit de douane moyen de 26% ; à l’opposé la construction est le secteur le plus protégé (75%). Ces résultats suggèrent qu’il existe d’importantes marges de négociations pour le commerce mondial des services, et ce même à l’intérieur de l’UE. La libéralisation du commerce de ces secteurs constitue peut-être l’une des politiques en faveur de la compétitivité les plus prometteuses, compte-tenu de l’avantage comparatif des pays européen dans les services.
Ce texte est une traduction synthétique du “Focus” de la CEPII Newsletter N°49, 1st quarter 2012.
Ainsi, le débat sur la compétitivité et la nécessité d’utiliser des mesures de protection commerciale concerne uniquement l’industrie. Le cas des services reste dans l’ombre, et ce peut être problématique ! Les pays de l’Europe de l’Ouest bénéficieraient surement d’une promotion offensive de la libéralisation du commerce.
Les services représentent le secteur le plus important de l’économie, avec 70% de la valeur ajoutée mondiale et plus de la moitié de l’emploi total. Toutefois, leur part dans les échanges mondiaux reste limitée (21% du commerce mondial en valeur, OMC 2010), en partie en raison des niveaux élevés de protection réglementaire des marchés nationaux. Pour cause, les services n’ont été inclus que très récemment dans les accords commerciaux bilatéraux ou multilatéraux. Leur inclusion dans le cycle de l’Uruguay a mené à l’Accord général sur le commerce des services en janvier 1995.
En raison du rôle croissant des services dans le commerce mondial, les économistes ont commencé à s’intéresser à ce domaine. Ce n’est pas une tâche facile. L’évaluation des gains issus de la libéralisation doit reposer sur des mesures correctes des niveaux de protection. Or, mesurer le niveau effectif de protection dans les services, théoriquement ou empiriquement, est ardu.
Une première difficulté tient à la nature spécifique des services, comparés aux biens. La proximité entre producteur et consommateur est souvent nécessaire ; en raison de leur nature intangible les obstacles aux échanges de services diffèrent de ceux auxquels sont confrontés les échanges de biens. Ces obstacles prennent la forme de quotas, de licences, d’interdiction d’exercer certaines activités pour les étrangers, ou encore d’accès privilégié pour les entreprises nationales. Ainsi, libéraliser les échanges de services signifie-t-il pour un pays une adaptation de ses réglementations. D’un point de vue technique ainsi que de politique économique, la reformulation des régulations a beaucoup plus d’implications que la simple réduction d’un droit de douane. De plus, la valeur exacte de l’équivalent droit de douane des réglementations existantes est une question complexe : les données sur les réglementations appliquées sont rares et transformer cette information qualitative en indicateur quantitatif est difficile. Néanmoins, plusieurs travaux ont tentés de mesurer les barrières existantes dans le commerce des services.
Une récente étude du CEPII, par Fontagné et al., tente d’évaluer le niveau effectif des barrières au commerce de services. Les auteurs utilisent une approche très globale, n’incluant pas seulement les barrières officielles. Il s’agit de révéler le niveau de protection réel en comparant le commerce de services effectif au niveau qu’il devrait avoir en condition de libre échange. La différence entre les deux valeurs correspond au commerce « manquant » du fait des restrictions en place.
Les résultats du modèle (9 secteurs, 65 pays) confirment l’existence d’importantes barrières, même si les économies avancées protègent moins leur secteurs de services. Les secteurs les plus libéralisés sont ceux du transport avec un équivalent droit de douane moyen de 26% ; à l’opposé la construction est le secteur le plus protégé (75%). Ces résultats suggèrent qu’il existe d’importantes marges de négociations pour le commerce mondial des services, et ce même à l’intérieur de l’UE. La libéralisation du commerce de ces secteurs constitue peut-être l’une des politiques en faveur de la compétitivité les plus prometteuses, compte-tenu de l’avantage comparatif des pays européen dans les services.
Ce texte est une traduction synthétique du “Focus” de la CEPII Newsletter N°49, 1st quarter 2012.