La stagnation ne profite à personne !
Retranscription écrite de l'émission du 30 août "Les idées claires d'Agnès Bénassy Quéré", chronique hebdomadaire sur France Culture le jeudi matin à 7h38
Par Agnès Bénassy-Quéré
Pour cette première chronique de la saison, je voudrais tout d’abord saluer les auditeurs et les remercier pour leur abnégation. A cette heure matinale, la tartine, la brosse à dent ou le volant à la main, tout le monde n’a pas forcément la concentration nécessaire pour saisir les milliards d’euros, les pourcentages de hausse ou de baisse et les raisonnements économiques paradoxaux. Si, encore, les nouvelles étaient bonnes. Mais non, le chômage frôle les 3 millions et les perspectives sont mauvaises.
Au creux de l’été, l’INSEE a publié le chiffre de croissance pour le deuxième trimestre 2012 : 0%. Au premier trimestre, le PIB avait déjà fait du sur-place. La croissance est en berne et même le petit +0,4% prévu par le nouveau gouvernement pour 2012 paraît difficile à atteindre, sans parler de 2013. Bref, nous sommes dans la stagnation si ce n’est la récession. Certains feront remarquer qu’après tout, les arbres ne montent pas jusqu’au ciel et qu’au moins, nous allons ainsi ralentir la destruction de la planète. Que peut-on en penser ?
Les auditeurs les plus anciens se souviennent peut-être du Club de Rome et de son rapport Halte à la Croissance ?, paru en 1972. Le document s’inquiétait d’un épuisement des ressources énergétiques et de dégradations irrémédiables de l’environnement. En fait, la crainte d’une pénurie de ressources remonte à Malthus qui, à la fin du 18ème siècle, craignait une pénurie de terres arables. En 1965, l’économiste anglais Jevons s’inquiétait à son tour d’un possible épuisement du charbon. Ces craintes ont été contredites dans l’histoire par le progrès technique. Les terres arables n’ont pas manqué car la productivité agricole a augmenté ; le charbon n’a pas manqué car d’autres énergies sont apparues. Aujourd’hui, dans ce droit fil, nos amis américains font confiance au progrès technique pour nous épargner le réchauffement climatique. Le raisonnement est simple : quand une ressource devient rare, son prix augmente, ce qui stimule la recherche pour trouver des solutions alternatives. Très bien, mais certaines ressources restent aujourd’hui gratuites bien que rares. Si vous prenez l’avion, vous émettez du CO2 et consommez donc de l’environnement sans en payer le prix. C’est tout l’enjeu de la nouvelle taxe sur les vols aériens imposée par l’Union européenne et décriée par les autres pays. Si la ressource rare demeure gratuite, il y a peu de chances de déclencher une recherche intensive pour l’économiser.
Ce petit détour historique nous donne la solution à notre problème de croissance ou de stagnation. Il ne s’agit pas de prôner la croissance zéro ou la décroissance, mais bien de faire payer l’utilisation des ressources : par exemple, faire payer aux voyageurs leurs émissions de CO2. Le résultat sera peut-être une diminution du trafic aérien, ou bien l’invention de l’avion zéro émission. Selon le cas, la croissance en sera diminuée ou au contraire stimulée. Cela signifie qu’une croissance forte peut être compatible avec la préservation de l’environnement – c’est ce qu’on appelle la croissance durable. Alors oui, le 0% de croissance est une mauvaise nouvelle. En l’absence de croissance, le taux de chômage augmente mécaniquement et il faut plus de coupes budgétaires pour stabiliser la dette ; sans aucune contrepartie positive : la stagnation ne nous donne pas la recette de l’énergie de demain.