Les banques sont-elles trop taxées ?
Le collectif budgétaire annoncé début juillet prévoit le doublement de la taxe sur le risque systémique. Cette taxe s’applique déjà depuis le 1er janvier 2011 aux grandes banques françaises. Elle a suscité de vives réactions au sein du secteur bancaire et de ses représentants.
Par Gunther Capelle-Blancard, Jézabel Couppey-Soubeyran
Le collectif budgétaire annoncé début juillet prévoit le doublement de la taxe sur le risque systémique. Cette taxe s’applique depuis le 1er janvier 2011 aux grandes banques françaises et s’élève actuellement à 0,25 % des exigences minimales en fonds propres requis par la réglementation prudentielle. Elle a rapporté 495 millions d’euros en 2011. C’est moins qu’en Allemagne ou au Royaume-Uni où des taxes similaires ont également été instaurées. Son doublement pourrait rapporter, en 2012, plus de 800 millions d’euros.
Comme à l’accoutumée, cette taxe a suscité de vives réactions au sein du secteur bancaire et de ses représentants, la Fédération bancaire française (FBF) déplorant rien moins qu’une « pluie de taxes venant [s’abattre sur le secteur bancaire] confisquer le produit de leur activité et gênant leur compétitivité à l’égard de leurs concurrentes étrangères ». De leur côté, les économistes ont surtout reproché à cette taxe de ne pas être suffisamment bien calibrée pour dissuader les activités les plus risquées. Demeure un vrai débat sur l’assiette à choisir : faut-il asseoir la taxe sur les fonds propres (comme en France donc), l’endettement (comme le propose le FMI), les instruments de marché potentiellement illiquides (comme le préconise le rapport Lepetit)… En l’état, la taxe de risque systémique ne constitue effectivement pas une taxe « pigouvienne » apte à décourager les comportements les plus risqués. Ce n’est toutefois pas le seul objectif assigné à la fiscalité des banques. Au fond, la question à se poser avant toute autre est celle de savoir si le secteur bancaire contribue aux recettes fiscales à la juste mesure de ses capacités.
Le secteur bancaire est-il trop ou, au contraire, pas assez taxé ? La réponse à cette question commande d’examiner la charge fiscale dans sa globalité, en tenant compte de l’ensemble des éléments de taxation du secteur bancaire. Autrement dit, en tenant compte de ce que les banques paient à l’Etat au titre des impôts, mais aussi de ce qu’elles reçoivent sous forme de subventions, subventions qui peuvent réduire considérablement leur charge fiscale nette. Les grandes banques ne reçoivent certes pas de subventions explicites, mais elles bénéficient manifestement de la subvention implicite associée à la garantie de sauvetage en cas de risque systémique.
De plus en en plus d’études cherchent à chiffrer le montant de cette subvention implicite. Plusieurs méthodes existent désormais, tout à fait sérieuses au vu des institutions dont elles émanent (Banque d’Angleterre, FMI, New Economics Foundation, …). Elles consistent, à la manière de Baker et McArthur (2009) [1] pour les Etats-Unis, à évaluer l’écart moyen de coûts de financement entre les grandes banques qui bénéficient de cette garantie et les petites qui n’en bénéficient pas, ou bien, comme le fait Haldane (2010) pour la Grande-Bretagne [2], à examiner les écarts de rating en fonction de cette garantie prise en compte par les agences de notation.
La plupart de ces études portent essentiellement sur les banques anglo-saxonnes. Toutefois, le think tank New Economics Foundation (NEF) [3], en s’appuyant sur les travaux de Haldane, a publié en 2011 une évaluation de la subvention implicite comparée pour les 4 plus grandes banques anglaises, allemandes et françaises.
En moyenne, la subvention estimée se chiffre, pour 2010, en dizaines de milliards d’euros pour chaque pays : 52 milliards d’euros pour les banques britanniques, 48 milliards d’euros pour les banques françaises et 32 pour les banques allemandes. Au total, cela représente plus de trois fois le montant annuel des profits et douze fois celui de l’impôt annuel sur le revenu des sociétés, en moyenne depuis 2005 !
Si l’on rentre dans le détail pour les quatre grandes banques françaises, la subvention est estimée à plus de 6 milliards d’euros pour BNP Paribas, plus de 12 milliards pour Crédit Agricole, plus de 5 milliards pour Société Générale, la palme revenant au groupe BPCE avec près de 24 milliards. A comparer aux 18 milliards de profits réalisés en moyenne chaque année entre 2005 et 2010 par les trois premiers établissements (BPCE a été déficitaire sur la période) ou aux 11 milliards d’impôts (sur le revenu et sur la production) acquittés en 2010 par l’ensemble des banques françaises.
De quoi donc relativiser grandement ce que devrait coûter la taxe sur le risque systémique à ces grands établissements bancaires en 2012 (d’après l’Agefi) : 246 millions d’euros pour BNP Paribas, 130 millions d’euros pour Société générale, 133 millions d’euros pour Crédit Agricole et 155 millions pour le groupe BPCE.
L’estimation est certes réalisée pour une année de profonde incertitude pendant laquelle la valeur accordée par le marché à la garantie est vraisemblablement au plus haut. Il ne s’agit pas non plus de donner à ces chiffres la précision absolue qu’ils n’ont évidemment pas. Néanmoins, ces estimations ont le mérite de prendre la mesure de l’avantage que ces garanties confèrent aux établissements bancaires : c’est en dizaines de milliards d’euros qu’il se mesure !
De manière générale, l’écart observé entre le montant d’impôts payés et la subvention implicite indique clairement que les grands établissements bancaires ne paient pas le prix de la protection dont ils bénéficient. D’ailleurs, si l’idée était vraiment de créer une taxe destinée à faire payer le prix de ces subventions, elle serait d’une toute autre ampleur que la petite taxe sur le risque systémique.
Comme à l’accoutumée, cette taxe a suscité de vives réactions au sein du secteur bancaire et de ses représentants, la Fédération bancaire française (FBF) déplorant rien moins qu’une « pluie de taxes venant [s’abattre sur le secteur bancaire] confisquer le produit de leur activité et gênant leur compétitivité à l’égard de leurs concurrentes étrangères ». De leur côté, les économistes ont surtout reproché à cette taxe de ne pas être suffisamment bien calibrée pour dissuader les activités les plus risquées. Demeure un vrai débat sur l’assiette à choisir : faut-il asseoir la taxe sur les fonds propres (comme en France donc), l’endettement (comme le propose le FMI), les instruments de marché potentiellement illiquides (comme le préconise le rapport Lepetit)… En l’état, la taxe de risque systémique ne constitue effectivement pas une taxe « pigouvienne » apte à décourager les comportements les plus risqués. Ce n’est toutefois pas le seul objectif assigné à la fiscalité des banques. Au fond, la question à se poser avant toute autre est celle de savoir si le secteur bancaire contribue aux recettes fiscales à la juste mesure de ses capacités.
Le secteur bancaire est-il trop ou, au contraire, pas assez taxé ? La réponse à cette question commande d’examiner la charge fiscale dans sa globalité, en tenant compte de l’ensemble des éléments de taxation du secteur bancaire. Autrement dit, en tenant compte de ce que les banques paient à l’Etat au titre des impôts, mais aussi de ce qu’elles reçoivent sous forme de subventions, subventions qui peuvent réduire considérablement leur charge fiscale nette. Les grandes banques ne reçoivent certes pas de subventions explicites, mais elles bénéficient manifestement de la subvention implicite associée à la garantie de sauvetage en cas de risque systémique.
De plus en en plus d’études cherchent à chiffrer le montant de cette subvention implicite. Plusieurs méthodes existent désormais, tout à fait sérieuses au vu des institutions dont elles émanent (Banque d’Angleterre, FMI, New Economics Foundation, …). Elles consistent, à la manière de Baker et McArthur (2009) [1] pour les Etats-Unis, à évaluer l’écart moyen de coûts de financement entre les grandes banques qui bénéficient de cette garantie et les petites qui n’en bénéficient pas, ou bien, comme le fait Haldane (2010) pour la Grande-Bretagne [2], à examiner les écarts de rating en fonction de cette garantie prise en compte par les agences de notation.
La plupart de ces études portent essentiellement sur les banques anglo-saxonnes. Toutefois, le think tank New Economics Foundation (NEF) [3], en s’appuyant sur les travaux de Haldane, a publié en 2011 une évaluation de la subvention implicite comparée pour les 4 plus grandes banques anglaises, allemandes et françaises.
En moyenne, la subvention estimée se chiffre, pour 2010, en dizaines de milliards d’euros pour chaque pays : 52 milliards d’euros pour les banques britanniques, 48 milliards d’euros pour les banques françaises et 32 pour les banques allemandes. Au total, cela représente plus de trois fois le montant annuel des profits et douze fois celui de l’impôt annuel sur le revenu des sociétés, en moyenne depuis 2005 !
Si l’on rentre dans le détail pour les quatre grandes banques françaises, la subvention est estimée à plus de 6 milliards d’euros pour BNP Paribas, plus de 12 milliards pour Crédit Agricole, plus de 5 milliards pour Société Générale, la palme revenant au groupe BPCE avec près de 24 milliards. A comparer aux 18 milliards de profits réalisés en moyenne chaque année entre 2005 et 2010 par les trois premiers établissements (BPCE a été déficitaire sur la période) ou aux 11 milliards d’impôts (sur le revenu et sur la production) acquittés en 2010 par l’ensemble des banques françaises.
De quoi donc relativiser grandement ce que devrait coûter la taxe sur le risque systémique à ces grands établissements bancaires en 2012 (d’après l’Agefi) : 246 millions d’euros pour BNP Paribas, 130 millions d’euros pour Société générale, 133 millions d’euros pour Crédit Agricole et 155 millions pour le groupe BPCE.
L’estimation est certes réalisée pour une année de profonde incertitude pendant laquelle la valeur accordée par le marché à la garantie est vraisemblablement au plus haut. Il ne s’agit pas non plus de donner à ces chiffres la précision absolue qu’ils n’ont évidemment pas. Néanmoins, ces estimations ont le mérite de prendre la mesure de l’avantage que ces garanties confèrent aux établissements bancaires : c’est en dizaines de milliards d’euros qu’il se mesure !
De manière générale, l’écart observé entre le montant d’impôts payés et la subvention implicite indique clairement que les grands établissements bancaires ne paient pas le prix de la protection dont ils bénéficient. D’ailleurs, si l’idée était vraiment de créer une taxe destinée à faire payer le prix de ces subventions, elle serait d’une toute autre ampleur que la petite taxe sur le risque systémique.
[1] Baker, D., &Mc Arthur, T., 2009, The Value of the “Too Big to Fail” Big Bank Subsidy, Issue Brief, CEPR, september 2009. http://www.cepr.net/documents/publications/too-big-to-fail-2009-09.pdf
[2] Haldane, A., The $100 billion question http://www.bis.org/review/r100406d.pdf?frames=0.
[3] New Economics Foundation, « Quid Pro Quo. Redressing the privileges of the banking industry », 2011.