Le blog du CEPII

L'avenir européen de la Grèce entre les mains de la BCE

Retranscription écrite de l'émission du 24 mai "Les idées claires d'Agnès Bénassy Quéré", chronique hebdomadaire sur France Culture le jeudi matin à 7h38
Par Agnès Bénassy-Quéré
 Audio du 23 mai 2012


 

Peut-être certains auditeurs se demandent-ils quel rapport il y a entre ne pas payer ses dettes et sortir de la zone euro : par quel enchaînement la Grèce pourrait-elle être poussée contre son gré à abandonner l’euro ? Après tout, si – prenons un exemple au hasard - Marc Voinchet cessait de rembourser ses dettes, la France n’en quitterait pas pour autant la zone euro. Alors, pourquoi cette différence ?

Ce qui distingue, entre autres, l’Etat grec de Marc Voinchet, c’est la taille de la dette et sa présence dans les bilans bancaires. La taille d’abord : même si elle a été réduite de 100 milliards il y a deux mois, la dette grecque est encore de 260 milliards d’euros, soit une fois et demi le PIB du pays. Les bilans bancaires, ensuite : sur les 260 milliards de dette, 25 sont détenus par des banques grecques. Cela semble peu mais c’est un élément critique. En effet, les banques grecques sont prises en étau entre la fuite des déposants et le risque de défaut de l’Etat.  Comment faire pour rembourser les déposants ? Jusqu’ici, les banques ont pu obtenir auprès de la banque centrale les euros nécessaires. Cela fonctionne comme au mont de piété : la banque dépose une obligation à la banque centrale – on dit qu’elle la met en pension - et reçoit en échange un prêt en euros. Si, par malheur, la banque fait faillite, alors la banque centrale devra se consoler avec l’obligation qui devient sa propriété. Si le titre ne vaut plus rien, elle aura été flouée. C’est pourquoi les banques centrales ne prennent pas en pension n’importe quoi. Les obligations grecques sont aujourd’hui border line et il ne faudrait pas grand chose pour que la Banque centrale européenne interdise à la Banque nationale de Grèce de les accepter en garantie lors des opérations de refinancement.

Or, il n’est pas impossible que le futur gouvernement grec refuse de poursuivre le plan d’ajustement conclu en mars avec la BCE, la Commission européenne et le FMI. Que se passera-t-il alors ? Le FMI stoppera automatiquement ses prêts, et il se pourrait (mais rien n’est sûr) que les Européens lui emboîtent le pas. Dès lors, l’Etat grec ne pourra plus rembourser ses dettes comme actuellement, à l’aide de nouveaux emprunts. Les obligations seront déclarées en défaut. Les banques grecques n’auront plus rien à mettre en gage pour se refinancer, alors même qu’elles devront faire face à une fuite accélérée des dépôts. Pour éviter la faillite des banques et les troubles économiques et sociaux qui en résulteraient (imaginez que vous n’ayez plus accès à votre compte en banque), et pour payer ses fonctionnaires, le gouvernement grec n’aura plus d’autre choix que de quitter la zone euro et de rétablir une banque centrale autonome. Celle-ci pourra alors financer à la fois l’Etat et les banques, en nouvelles drachmes. En bref, si personne ne veut plus prêter à la Grèce, alors les financements monétaires en euros cesseront eux aussi et la seule solution sera alors de ressortir de la cave la vieille planche à imprimer des drachmes. Un scenario catastrophe où la dégringolade de la monnaie viendra encore comprimer le pouvoir d’achat pour réaliser aux forceps un ajustement trop gros pour ce pays malade. Pauvres grecs qui ne sont pas au bout de leurs peines.
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