Le blog du CEPII

Quelques précisions sur la « fermeture » du gouvernement fédéral américain

La fermeture est provoquée par l’incapacité du Congrès à se mettre d’accord sur le vote d’une dotation budgétaire provisoire pour l’Etat Fédéral. Elle est spectaculaire mais ni inédite ni globale. Le rendez-vous qui compte est celui de l’augmentation du plafond de la dette qui devrait être atteint un peu après la mi-octobre.
Par Christophe Destais
 Faits & Chiffres du 2 octobre 2013


La « fermeture » du gouvernement américain résulte de l’incapacité du Congrès à trouver un accord sur l’autorisation donnée au gouvernement de dépenser à partir du 1er octobre, qui est le premier jour de l’année budgétaire aux Etats-Unis. C’est la première fois que cela arrive depuis 1996 mais cela s’était produit 17 fois entre 1977 et 1996. Ce n’est donc pas une situation inédite.

Le texte sur lequel le Congrès discutait n’était pas celui d’un budget annuel en bonne et due forme. Il portait sur une dotation provisoire, appelée continuing resolution, le temps de se mettre d’accord sur les dotations budgétaires définitives pour l’année en cours, appelées appropriations. Depuis 1998, le Congrès américain n’a d’ailleurs jamais réussi à voter le budget complet pour l’année fiscale avant le commencement de cette dernière.

Comme cela a été largement rapporté par la presse, le blocage est venu de ce que la Chambre des Représentants, dominée par les Républicains, ne donnait son accord au vote de la continuing resolution qu’à la condition que soient adoptées simultanément des dispositions ayant pour effet de repousser la mise en œuvre effective d’une partie importante de la réforme de la couverture maladie voulue par le Président Obama à son arrivée et définitivement adoptée en 2010, l’Obamacare. Cette exigence a été jugée inacceptable par la majorité démocrate du Sénat et par le Président Obama.

Le terme « fermeture » est excessif dans la mesure où :

· Toutes les activités et les personnels considérés comme « essentiels » par le gouvernement américain lui-même restent mobilisés. Le gouvernement impose aux fonctionnaires concernés (1,3 millions de civils et 1,4 millions de militaires) d’être présents à leur poste sans avoir l’assurance d’être payés. Cela s’apparente à une réquisition. La régularisation des salaires ex-post dépendra de la bonne volonté du Congrès. Toutefois, en ce qui concerne les militaires, le Congrès a voté en urgence une loi assurant la continuité de leur rémunération qui a été promulguée dans la foulée par le président Obama.

· La séparation entre activités « essentielles » et « non- essentielles » est fonction grosso-modo du lien avec les fonctions régaliennes de l’Etat fédéral. Les activités récréatives, de protection de l’environnement, d’administration économique sont donc davantage touchées que les autres par le shutdown. Le nombre de fonctionnaires civils qui devraient quitter leur poste de travail en raison du caractère « non-essentiel » de leur fonction serait d’environ 800 000. Certaines agences fédérales disposent toutefois de réserves financières propres qui devraient leur permettre de fonctionner encore quelques temps.

· Une part très importante des dépenses budgétaires américaines ne passe pas par le vote annuel des appropriations. Elles concernent le versement des intérêts payés sur la dette fédérale et les prestations sociales intégrées au budget fédéral. Les plus importantes sont le système public de pensions de retraite (social security) ou des anciens militaires, la couverture maladie des personnes âgées (medicare) ou des plus pauvres et des handicapés (medicaid). Ces dépenses sont dites obligatoires et représentaient cette année 64 % du total des dépenses. Elles ne sont pas concernées par le shutdown.

· Par ailleurs, cette « fermeture » ne concerne pas les entités subfédérales qui assurent l’essentiel des services publics de proximité aux Etats-Unis (police, sauf le FBI, une part importante de la justice, éducation, eau, voirie…) et même une partie de la défense (garde nationale). Le cas de Washington DC est spécifique du fait que le District of Columbia n’a pas de maturité juridique complète et de par son imbrication avec les activités fédérales.

Les autorités américaines font face à une autre échéance, celle de devoir augmenter le plafond de la dette fédérale. Cette dernière devrait atteindre la limite autorisée par le Congrès de 16 394 milliards de dollars autour du 17 octobre prochain. Ne pas augmenter ce seuil aurait des conséquences très graves pour l’économie américaine. L’Etat ne pourrait plus emprunter pour verser des dépenses déjà décidées (comme les pensions fédérales), ce qui équivaudrait à remettre en cause sa signature.

Cette épée de Damoclès porte aussi, peut-être, la solution à la crise. En échange de concessions démocrates sur le niveau des dépenses ou celui des impôts, les Républicains pourraient accepter, sans trop perdre la face, l’inévitable relèvement du plafond de la dette, le vote de la dotation budgétaire provisoire et… l’abandon, au moins provisoire, de manœuvres à l’encontre de l’Obamacare.

Enfin, il faut noter l’ampleur de l’ajustement budgétaire que les Etats-Unis ont réalisé en peu de temps : les dépenses fédérales qui avaient atteint un pic de 24,4 % du PIB en 2009 étaient de 20,8 % du PIB en 2013. Sur la même période, les recettes sont passées de 14,6 % à 17 % du PIB.
Politique économique 
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