Ralentissement du commerce mondial : vers une nouvelle ère de la mondialisation ?
Sébastien Jean
Françoise Lemoine
La crise économique et financière récente a eu un impact très fort sur le commerce mondial : alors que le PIB mondial baissait d’environ 2 % en 2009, les échanges de biens et services chutaient de plus de 10 % en volume. Un fort rebond du commerce mondial a suivi en 2010, avec une croissance de presque 13 % en volume, quand le PIB mondial augmentait de 4,1 %. La sensibilité du commerce au cycle n’est pas nouvelle : Hendrik S. Houthakker et Stephen P. Magee avaient montré dès 1969 que les échanges commerciaux étaient deux à trois fois plus volatils que le PIB. On en connaît bien les raisons. D’abord, le commerce est composé avant tout de biens manufacturés, dont la demande est plus cyclique que celle des services et des produits agricoles. Ensuite, les investissements, qui sont plus volatils que le reste de la demande, comptent une proportion d’importations plus importante [Bussière et al., 2013]. En outre, le fait que les exportations elles-mêmes incorporent de plus en plus d’intrants intermédiaires importés a accentué la cyclicité du commerce. Enfin, dans le cas d’une crise financière aiguë comme celle de 2008-2009, la restriction des crédits commerciaux ou la détérioration des garanties, indispensables aux exportations plus encore qu’aux transactions nationales, peut également accentuer le ralentissement des échanges commerciaux dans la phase basse du cycle. Ce facteur a indéniablement joué au cours de la crise récente, même si les diagnostics ne s’accordent pas sur son ampleur [OMC, 2013].Sébastien Jean
Françoise Lemoine
Avec de telles fluctuations jusqu’en 2011, il était difficile d’identifier la tendance sous-jacente. Depuis 2012, en revanche, les évolutions des échanges internationaux sont moins heurtées, sans pour autant retrouver leur tendance d’avant crise. Ce constat interroge. S’agit-il d’une évolution cyclique, dans un contexte d’investissement toujours atone ? Ou bien faut-il y voir le signe d’une rupture structurelle, qui marquerait une nouvelle étape de la mondialisation ? À partir d’une analyse quantitative, ce chapitre montre que le ralentissement de la croissance ne suffit pas à expliquer celui du commerce. L’hypothèse d’une rupture plus durable est donc privilégiée, d’autant que le ralentissement a été plus marqué pour les flux commerciaux les plus impliqués dans les chaînes de valeur internationales. Le recentrage de l’économie chinoise explique en partie ce phénomène, étant donné le rôle leader de ce pays dans les échanges mondiaux et l’importance des changements qui s’y produisent. [...]
Retour