L'économie mondiale : croissance fragile, reprise contrastée
Matthieu Bussière
Natacha Valla
Matthieu Bussière
Natacha Valla
Après une année 2013 décevante, l’amélioration de la croissance mondiale en 2014 devrait se confirmer en 2015. Elle reste cependant contrastée et soumise à de nombreux risques.
Dans la plupart des économies avancées, la reprise est en marche. C’est le cas des États-Unis, qui restent l’un des principaux moteurs de la croissance mondiale, du Royaume-Uni et des pays européens hors zone euro. Le Japon pourrait retrouver un sentier de croissance vertueux en 2015, sous l’impulsion des politiques mises en place par le Premier ministre Shinzo Abe. Plus remarquablement encore, la zone euro devrait connaître en 2014 un taux de croissance positif — après deux années de recul du PIB réel —, résultat d’une accélération dans les pays qui, tels la France et l’Allemagne, avaient déjà connu une croissance positive en 2013, et du passage des pays « périphériques » (Italie, Espagne, Grèce, Portugal et Irlande) d’une contraction économique violente à une croissance positive.
Parmi les facteurs globaux de la reprise figurent une bonne tenue des marchés financiers, avec une progression spectaculaire des Bourses depuis 2012 (même si celle-ci recèle aussi des facteurs de risques), de faibles taux d’intérêt à court et à long terme, sous l’effet des mesures de soutien prises par les banques centrales, et une volatilité très faible des marchés financiers. Par ailleurs, la modération de l’inflation et des prix du pétrole, qui soutiennent le pouvoir d’achat des ménages, semble jouer un rôle dans la reprise. Cependant, de nombreuses fragilités demeurent. En dépit du rebond des économies avancées, les pays émergents marquent le pas en 2014. C’est le cas en particulier de la Chine, dont la croissance, très au-dessus de 10 % avant la crise, et encore supérieure à 9 % jusqu’en 2011, pourrait durablement s’installer autour de 7 %. Le monde émergent se recompose, et au thème de la prépondérance des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) dans l’analyse de la croissance mondiale s’ajoute celui de l’apparition des « Cinq Fragiles » (Turquie, Brésil, Inde, Afrique du Sud, Indonésie).
De nouveaux risques pourraient peser sur l’économie mondiale en 2015. Les menaces que constituent les tensions géopolitiques sont particulièrement préoccupantes. Les conflits en cours en Europe et au Moyen-Orient et leurs répercussions internationales pourraient sensiblement modifier les perspectives régionales dessinées aujourd’hui. Sur le seul plan économique, nous envisageons quatre grandes familles de risques : l’ajustement brutal sur les marchés financiers qui sanctionnerait les prises de risque excessives que la faiblesse des rendements obligataires et la volatilité financière pourraient induire ; les risques de la « lowflation » auxquels les économies avancées nous paraissent plus exposées qu’à ceux d’une véritable déflation ; les conséquences pour la zone euro de sa fragmentation financière et du rééquilibrage à opérer entre ses membres ; enfin, les risques financiers en Chine. L’émergence de ces risques peut, à bien des titres, sembler paradoxale. Ainsi, le débat sur les risques liés à un niveau d’inflation bas et prolongé émerge au moment même où la croissance revient dans la zone euro (alors que l’inflation et la croissance sont liées par une relation positive théorisée dans la courbe de Phillips). De même, la sortie progressive de la banque centrale américaine des mesures de politique monétaire non conventionnelles mises en place pendant la crise est souvent invoquée comme un facteur de vulnérabilité pour les émergents, alors qu’elle répond à une reprise de l’économie américaine dont le reste du monde bénéficie. Enfin, certains s’alarment de la faible volatilité qui règne sur les marchés financiers, alors même qu’une augmentation de cette volatilité pourrait devenir un facteur de fragilité et remettre sur le devant de la scène des risques d’instabilité financière aujourd’hui en veille.
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