Les controverses sur la nature de la monnaie se poursuivent depuis des siècles. L'enjeu n'est pas que de pure théorie parce que la monnaie est un levier de l'action collective pour réguler la macroéconomie. C'est pourquoi les idées théoriques sur la monnaie et les principes de la politique monétaire s'influencent réciproquement. A la fin des années 1970, le savoir monétaire orthodoxe nourrissait la doctrine des banques centrales. Lorsque le président de la Fed entreprit de casser le processus inflationniste par une application stricte des préceptes monétaristes, il y parvint au-delà de toutes les espérances ; mais les coûts exorbitants (pertes de production et d'emploi dans le monde entier, crise de la dette des pays du tiers monde), et les changements structurels induits dans la finance furent des conséquences sans commune mesure avec les ajustements bénins prédits par les monétaristes.
Cette influence de la monnaie sur le système financier a fait resurgir le débat théorique sur la nature de la monnaie. Si la politique monétaire peut provoquer des transformations dans les structures financières, c'est que l'influence de la monnaie sur l'économie ne se limite pas à la transmission de la quantité de monnaie au niveau général des prix. Une doctrine monétaire était à reconstruire.
La notion même de quantité de monnaie devient floue lorsque se développe, en concurrence avec la liquidité bancaire, une liquidité financière (des titres capables de donner un accès immédiat aux moyens de paiement). Si la monnaie n'est pas un stock bien défini et désiré par les agents économiques, qu'est-ce que c'est ? Avec la disparition de la certitude sur l'agrégat monétaire s'est envolée la primauté du canal direct de transmission de la monnaie aux prix, sur lequel toute la doctrine monétariste repose. Les pays de l'OCDE ont pu constater qu'il n'y avait plus de relations entre la variation des agrégats monétaires et celle de l'indice conventionnel des prix. Alors que la volatilité des prix est très faible, celle des agrégats monétaires est affectée par la gestion dynamique des portefeuilles financiers. Non seulement le ciblage d'une quantité de monnaie comme objectif de politique monétaire est une boussole affolée, mais se pose une question plus fondamentale devant laquelle la théorie quantitative de la monnaie est muette. Quelles relations y a-t-il entre monnaie et finance ? Ces relations ont-elles un effet sur l'économie réelle au niveau macroéconomique, influencent-elles le niveau général des prix ? Autrement dit, concernent-elles la politique monétaire ?... [...]
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