En 1990, la France réalisait plus de 6 % des exportations mondiales. En 2009, sa part de marché est tombée à moins de 4 %. Le solde commercial français, largement excédentaire dans les années 1990, s’est ensuite effrité de façon continue ; en 2009, la France affichait un déficit de 1,7 % du PIB. Et encore ce résultat bénéficiait-il de la bonne tenue des exportations de services ; limité aux échanges de biens, le déficit commercial français atteignait pas moins de 2,3 % du PIB. Ces piètres résultats, qui semblent
aller de pair avec une dégradation continue de l’emploi industriel, viennent raviver les débats sur la capacité du système productif français à répondre aux exigences de la concurrence internationale et sur les conséquences économiques du libre-échange.
Ce n’est pas une particularité française. Mise à part l’Allemagne, tous les grands pays développés ont vu leurs parts dans les exportations mondiales décroître rapidement dans les années 1990 et 2000. Certains pays, comme les États-Unis, accusent d’ailleurs un recul bien plus net que la France. En conséquence, les arguments protectionnistes ont le vent en poupe dans beaucoup d’économies industrialisées. L’idée d’une protection plus agressive vis-à-vis de pays aux normes sociales ou environnementales trop peu contraignantes fait son chemin, tout comme le principe selon lequel les entreprises ayant reçu une aide publique devraient choisir de préférence des fournisseurs nationaux. Plus largement, et sans nécessairement remettre en cause la mondialisation ou prôner le protectionnisme, beaucoup s’interrogent sur les difficultés des pays industrialisés à faire face à la concurrence internationale. Le débat est particulièrement vif en France : l’excédent commercial du voisin allemand donne un goût encore plus amer à l’énoncé des chiffres du commerce extérieur hexagonal. Cela conduit les décideurs publics, les industriels et les économistes à s’interroger sur les déterminants de la compétitivité, multipliant le nombre d’analyses et de rapports sur le sujet.
Dans ce contexte passionné, où les nombreuses études se répondent les unes aux autres et dressent des bilans parfois divergents, il n’est pas inutile de prendre le temps de repositionner le débat. Car, enfin, de quoi parle-t-on ? La compétitivité est un objet assez étrange : il nous est d’emblée familier, mais, à y regarder de près, on découvre qu’il est malaisé de le définir, de saisir à quoi il sert et pourquoi il suscite autant d’intérêt. Le rapport Compétitivité, publié par le Conseil d’analyse économique en 2003 [Debonneuil et Fontagné, 2003], rendait bien compte de l’ambiguïté de ce concept. Ce chapitre poursuit ce débat en proposant une analyse critique de la notion de compétitivité. L’objectif est de rappeler dans quelle mesure la notion de compétitivité peut être utilisée pour mener des analyses porteuses de sens.
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