Evaluation des accords commerciaux : petit guide à l'usage de ceux qui veulent comprendre
Cecilia Bellora
Jean Fouré
La contestation des accords commerciaux a atteint des niveaux sans pareils lors des débats autour du TTIP (l’accord de libre-échange entre les États-Unis et l’Union européenne, en partie négocié mais jamais signé) ou du CETA (l’accord entre le Canada et l’Union européenne, signé et déjà en application provisoire). Les raisons sont multiples. D’une part, les accords de libre-échange dits « de deuxième génération » visent surtout à éliminer les obstacles liés aux mesures non tarifaires sur les échanges de biens et de services, les barrières douanières étant désormais faibles (par exemple, le tarif moyen appliqué par l’UE sur ses importations est de 2 %). Or ces obstacles non tarifaires peuvent être vus comme des barrières à l’entrée sur un marché, mais également comme le reflet de préférences collectives, dont la remise en cause suscite craintes et inquiétudes. D’autre part, la libéralisation engendre des gains économiques de plus en plus faibles au fur et à mesure que les barrières qui restent à éliminer diminuent. De ce fait, les effets potentiellement négatifs des accords commerciaux se font davantage ressentir. En outre, lorsque les barrières commerciales sont faibles, les effets environnementaux peuvent être exacerbés dans la mesure où les activités polluantes peuvent être facilement délocalisées.Cecilia Bellora
Jean Fouré
Il importe donc, au moment où les accords sont négociés, de disposer d’une évaluation de leurs effets économiques, environnementaux et sociaux. C’est dans cette optique que la Commission européenne publie, depuis 1998, des Sustainability Impact Assessments des principales négociations commerciales qu’elle mène. Ces analyses, qui reposent le plus souvent sur des modèles d’équilibre général calculable, permettent de guider le travail des négociateurs, pour maximiser les gains et limiter les pertes des accords en discussion. Elles peuvent aussi servir de support au débat public, pour aller au-delà des positions de principe souvent manichéennes et conduisant à des tensions insolubles.
Mais, pour qu’il en soit ainsi, il est nécessaire de comprendre les outils sur lesquels ces études d’impact reposent, leurs points forts et leurs limites. Pour cela, ce chapitre détaillera d’abord les mesures commerciales habituellement contenues dans un accord de libre-échange et leurs effets attendus sur les flux commerciaux, la production et, in fine, les revenus des différents agents économiques. Cette première description montre que la résultante de l’ensemble des mécanismes économiques en jeu dépend d’une multitude de facteurs et peut être positive ou négative, selon les secteurs ou les pays. C’est pour cette raison que les études d’impact sont nécessaires et doivent être faites au cas par cas, avec des outils spécifiques. Ce qui nous amènera à présenter l’outil le plus souvent adopté pour réaliser ce type d’études, le modèle d’équilibre général calculable, les résultats qu’il peut produire en matière d’impacts économiques et environnementaux, mais également les points qu’il ne peut pas traiter, et qui nécessitent donc des études complémentaires, en particulier sur les impacts sociaux. Le chapitre se conclura sur une réflexion quant à ce qu’une analyse d’impact peut réellement apporter en matière d’aide à la décision, en espérant ainsi favoriser la transparence et la qualité du débat public autour des politiques commerciales. [...]
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