Après dix ans de politique monétaire non conventionnelle, un retour à la normale est-il possible ?
Jézabel Couppey-Soubeyran
Fabien Tripier
En réponse à la crise financière exceptionnelle qui a surgi en 2007-2008, les banques centrales ont mis en œuvre une politique monétaire hors norme, dite non conventionnelle, car elle rompait avec les pratiques conventionnelles. Si l’ensemble des mesures prises ont en commun d’avoir été très accommodantes, elles n’ont été menées ni au même rythme ni selon les mêmes modalités. La Réserve fédérale des États-Unis (Fed) a réagi à la crise beaucoup plus promptement en abaissant son taux directeur dès septembre 2007 et en procédant à sa première vague de quantitative easing (QE) dès le mois de novembre 2008. La Banque centrale européenne (BCE) n’a initié la baisse de son taux directeur qu’en octobre 2008 et ne s’est convertie au QE qu’en 2015 après avoir privilégié le refinancement des banques sans limite de montant et pour une durée longue via les LTRO (Long term refinancing operations) et ses variantes (VLTRO — V pour very — étendant à trois ans la maturité du prêt de liquidité, et TLTRO — T pour targeted — opérations ciblées faisant dépendre les prêts obtenus des crédits accordés par les banques).Jézabel Couppey-Soubeyran
Fabien Tripier
Fin 2018 l’heure était à la « normalisation » pour la Fed, qui depuis 2011 communiquait sur la fin des mesures d’assouplissement et avait commencé en 2015 à relever graduellement son taux directeur. La BCE était loin d’en être là. En mars 2019, elle annonçait qu’elle maintiendrait les taux d’intérêt directeurs à leurs niveaux actuels au moins jusqu’à la fin de 2019, qu’elle réinvestirait, en totalité, les remboursements des titres acquis dans le cadre de son programme d’achats d’actifs, une fois ceux-ci arrivés à échéance, et qu’elle envisageait une nouvelle série d’opérations trimestrielles de refinancement à plus long terme ciblées (TLTRO-III) entre septembre 2019 et mars 2021.
L’état de l’économie américaine justifiait-il un « retour à la normale » et celui des économies de la zone euro d’attendre encore un peu ? L’année 2019 semble bien marquer une interruption dans la normalisation de la politique monétaire américaine. Un retour à la normale d’avant crise est-il d’ailleurs possible ou faudra-t-il aller vers une « nouvelle normale » qui reste à définir ? Autrement dit, les politiques monétaires doivent-elles réinventer leurs instruments, voire aussi leurs objectifs ? Et davantage se combiner à d’autres politiques, telles que la politique macroprudentielle, pour concilier, mieux qu’elles ne le faisaient jusqu’alors, stabilité monétaire et stabilité financière ? [...]
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