Les zones franches d'exportation profitent le plus aux secteurs les mieux insérés dans l’industrie locale
Une récente étude du CEPII montre que les bénéfices des politiques de développement territorial sont plus grands pour les secteurs qui disposent localement des compétences et des ressources nécessaires à leur développement. Elle s’appuie pour cela sur l’étude des zones franches d'exportation en Chine.
Par Sandra Poncet
Multiplication des zones franches d'exportation en Chine dans les années 2000
Les politiques économiques territoriales se sont multipliées à travers le monde, cherchant le plus souvent à promouvoir les exportations et à attirer les investissements directs étrangers. La Chine a, depuis 1979, développé différents types de zones : des Zones Economiques Spéciales, pionnières de l’ouverture commerciale, des Zones de Développement de Haute Technologie, ou encore des Zones Franches d'exportation (ZFE) appelées en anglais Export Processing Zones.
Les autorités chinoises ont ainsi ouvert 57 zones franches d’exportation, entre 2000 et 2005, à travers tout le pays (graphique 1). Ces zones, de taille relativement petite, fonctionnent de manière autonome et offrent aux entreprises à vocation exportatrice qui s’y implantent des conditions commerciales favorables. Leur fonction première est de soutenir les exportations d’assemblage (processing) via des avantages fiscaux et un environnement réglementaire moins contraignant. Les entreprises sont exemptées de taxes à l’exportation, disposent d’une meilleure protection des droits fonciers et profitent d’un service de douane 24h sur 24.
L’efficacité des ZFE dépend de l’intensité des liens avec l’industrie locale
La capacité de promouvoir un secteur donné requiert la pré-existence de compétences et d’intrants nécessaires au développement de ses activités (Hausmann et Hidalgo, 2011). Les politiques de développement territorial semblent être plus efficaces lorsqu'elles ciblent des secteurs dans lequel le pays dispose d’un potentiel latent (Cai et al., 2006). Ce potentiel vient de la possibilité d’exploiter les compétences des autres secteurs. La capacité de mobiliser l’expertise d’un autre secteur est plus forte quand celui-ci fonctionne avec les mêmes ressources, technologies, infrastructures, etc. L’espace produit reflète ces proximités (graphique 2). Il serait par exemple inutile pour un pays spécialisé dans l’habillement de chercher à développer des activités en chimie, sans passer par les activités intermédiaires que sont le textile et la métallurgie.
Un travail récent mené au CEPII montre que l’adéquation entre le secteur d’activité et la structure industrielle locale détermine les bénéfices obtenus de l’ouverture d’une zone franche d’exportation en Chine. Pour cela, les auteurs cherchent à évaluer l’impact de la création des ZFE sur la performance exportatrice des entreprises dont le secteur d’activité est en adéquation avec l’industrie locale.
La mesure de l’adéquation entre un secteur et la structure de production locale s’appuie sur un indicateur qui mesure la densité des liens entre les biens de ce secteur et l’ensemble des autres biens produits dans la ville. Les liens entre les différents biens sont appréhendés par un autre indicateur, de proximité. [1]
L’indicateur de densité, qui est la moyenne des liens connectant les activités d’un secteur au reste de l’économie locale, est calculé pour chaque paire de ville-secteur (47 villes, 158 secteurs).
Nos résultats indiquent que la création des ZFE a dynamisé les exportations des secteurs qui avaient des liens relativement plus denses avec la structure industrielle locale (soit un indicateur de densité plus élevé).
Ainsi, pour un secteur dont l’indicateur de densité est dans le 90ème centile de la distribution, les gains à l'exportation induits par la création d’une EPZ sont de 24 % supérieur à ceux d’un secteur dont la densité est au 10ème centile.
L’efficacité des Zones Franches d'exportation en Chine est donc renforcée quand les secteurs disposent localement des compétences et des ressources nécessaires à leur développement. Cela illustre la nécessité de cibler les politiques de développement territorial et de veiller à leur cohérence avec les atouts et les capacités mobilisables de l’industrie locale.
Références :
Hausmann, R., and C. Hidalgo, 2011, The Network Structure of Economic Output, Journal of Economic Growth, 16 (4), 309-42.
Hidalgo, C. A., B. Klinger, A.-L. Barabási, and R. Hausmann, 2007, The Product Space Conditions the Development of Nations, Science, 317, 482-487.
Chen Z., S. Poncet and R. Xiong, 2016, Inter-industry relatedness and industrial-policy efficiency: Evidence from China's Export Processing Zones, CEPII Working Paper 2016- 02 , février.
Ann Harrison, Justin Yifu Lin, Jing Cai, 2016, Patterns of Trade and Tax Interventions and Firm Performance in China, mimeo.
Les politiques économiques territoriales se sont multipliées à travers le monde, cherchant le plus souvent à promouvoir les exportations et à attirer les investissements directs étrangers. La Chine a, depuis 1979, développé différents types de zones : des Zones Economiques Spéciales, pionnières de l’ouverture commerciale, des Zones de Développement de Haute Technologie, ou encore des Zones Franches d'exportation (ZFE) appelées en anglais Export Processing Zones.
Les autorités chinoises ont ainsi ouvert 57 zones franches d’exportation, entre 2000 et 2005, à travers tout le pays (graphique 1). Ces zones, de taille relativement petite, fonctionnent de manière autonome et offrent aux entreprises à vocation exportatrice qui s’y implantent des conditions commerciales favorables. Leur fonction première est de soutenir les exportations d’assemblage (processing) via des avantages fiscaux et un environnement réglementaire moins contraignant. Les entreprises sont exemptées de taxes à l’exportation, disposent d’une meilleure protection des droits fonciers et profitent d’un service de douane 24h sur 24.
L’efficacité des ZFE dépend de l’intensité des liens avec l’industrie locale
La capacité de promouvoir un secteur donné requiert la pré-existence de compétences et d’intrants nécessaires au développement de ses activités (Hausmann et Hidalgo, 2011). Les politiques de développement territorial semblent être plus efficaces lorsqu'elles ciblent des secteurs dans lequel le pays dispose d’un potentiel latent (Cai et al., 2006). Ce potentiel vient de la possibilité d’exploiter les compétences des autres secteurs. La capacité de mobiliser l’expertise d’un autre secteur est plus forte quand celui-ci fonctionne avec les mêmes ressources, technologies, infrastructures, etc. L’espace produit reflète ces proximités (graphique 2). Il serait par exemple inutile pour un pays spécialisé dans l’habillement de chercher à développer des activités en chimie, sans passer par les activités intermédiaires que sont le textile et la métallurgie.
Un travail récent mené au CEPII montre que l’adéquation entre le secteur d’activité et la structure industrielle locale détermine les bénéfices obtenus de l’ouverture d’une zone franche d’exportation en Chine. Pour cela, les auteurs cherchent à évaluer l’impact de la création des ZFE sur la performance exportatrice des entreprises dont le secteur d’activité est en adéquation avec l’industrie locale.
La mesure de l’adéquation entre un secteur et la structure de production locale s’appuie sur un indicateur qui mesure la densité des liens entre les biens de ce secteur et l’ensemble des autres biens produits dans la ville. Les liens entre les différents biens sont appréhendés par un autre indicateur, de proximité. [1]
L’indicateur de densité, qui est la moyenne des liens connectant les activités d’un secteur au reste de l’économie locale, est calculé pour chaque paire de ville-secteur (47 villes, 158 secteurs).
Nos résultats indiquent que la création des ZFE a dynamisé les exportations des secteurs qui avaient des liens relativement plus denses avec la structure industrielle locale (soit un indicateur de densité plus élevé).
Ainsi, pour un secteur dont l’indicateur de densité est dans le 90ème centile de la distribution, les gains à l'exportation induits par la création d’une EPZ sont de 24 % supérieur à ceux d’un secteur dont la densité est au 10ème centile.
L’efficacité des Zones Franches d'exportation en Chine est donc renforcée quand les secteurs disposent localement des compétences et des ressources nécessaires à leur développement. Cela illustre la nécessité de cibler les politiques de développement territorial et de veiller à leur cohérence avec les atouts et les capacités mobilisables de l’industrie locale.
Graphique 1 – cartographique des EPZ |
Source : Chen Z., S. Poncet and R. Xiong, 2016, Inter-industry relatedness and industrial-policy efficiency: Evidence from China's Export Processing Zones, CEPII working paper, forthcoming. |
Graphique 2 – L’espace produit |
Note : l'espace produit est un réseau qui formalise les liens de proximité entre les produits commercialisés dans l'économie mondiale (Hidalgo et al., 2007). La proximité entre deux biens reflète la similarité des compétences et des intrants que leur production requiert. |
Références :
Hausmann, R., and C. Hidalgo, 2011, The Network Structure of Economic Output, Journal of Economic Growth, 16 (4), 309-42.
Hidalgo, C. A., B. Klinger, A.-L. Barabási, and R. Hausmann, 2007, The Product Space Conditions the Development of Nations, Science, 317, 482-487.
Chen Z., S. Poncet and R. Xiong, 2016, Inter-industry relatedness and industrial-policy efficiency: Evidence from China's Export Processing Zones, CEPII Working Paper 2016- 02 , février.
Ann Harrison, Justin Yifu Lin, Jing Cai, 2016, Patterns of Trade and Tax Interventions and Firm Performance in China, mimeo.
[1] Ces indicateurs ont été décrits dans un billet précédent. L’indicateur de proximité est calculé pour chaque paire de produits. Il a été proposé par Hidalgo et al. (2007). Il repose sur l’idée que deux biens sont similaires s’ils sont exportés en tandem. Leur co-exportation signale qu’ils requièrent les mêmes ressources, technologies, infrastructures, etc., pour leur production.