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Que faut-il attendre de la conférence de Paris sur le climat ? (2/2)

2015 constitue une échéance cruciale pour les négociations internationales sur le climat, ce second billet permet de comprendre le processus en cours afin de mieux anticiper ce qui peut être attendu de la COP21.
Par Stéphanie Monjon, Paula Adamczyk
 Billet du 1er octobre 2015


Six ans après la conférence de Copenhague, les négociations climatiques se retrouvent de nouveau à la croisée des chemins. Le dernier rapport d’évaluation du GIEC, publié en 2014, a, une fois de plus, confirmé les risques qu’induisent les dérèglements climatiques, alors que les émissions mondiales de GES n’ont jamais été aussi élevées et que la limitation de l’augmentation de la température à 2°C semble un objectif dorénavant hors de portée.

Tout l’enjeu de la conférence de Paris sur le climat sera de trouver un équilibre entre les deux approches qui ont été successivement adoptées, afin de permettre la participation du plus grand nombre, tout en trouvant un mécanisme qui permette de progressivement réviser les engagements des pays afin de se rapprocher de l’objectif ultime. C’est ce que s’efforce de faire la France, en collaboration avec le Pérou qui a accueilli la COP 20, en proposant ce qui a été appelée l’Alliance de Paris. La proposition repose sur quatre piliers : des contributions nationales, un instrument juridique international, un accord en matière de financement et un agenda de solutions.

Les contributions nationales (en anglais, intended nationally determined contribution (INDC) ) sont un nouvel instrument de la convention. A la COP19, qui s’est tenue à Varsovie en 2013, l’ensemble des Parties s’est accordé pour présenter au secrétariat de la convention, d’ici mi-2015, un document détaillant, notamment, ce que le pays est prêt à faire, au niveau national, pour réduire ses émissions. Le tableau 1 présente les contributions qui ont été rendues de la part des principaux pays émetteurs. L’Union européenne et ses 28 Etats membres ont rendu leur INDC en mars : leur engagement repose sur les objectifs climat-énergie pour 2030 adoptés en Conseil européen en octobre 2014, une réduction d’émissions d’au moins 40% d’ici à 2030 par rapport à 1990. Le même mois, les Etats Unis ont remis leur contribution nationale : le pays s’engage à réduire ses émissions de GES de 26-28% en 2030 par rapport à 2005. La Chine a déposé officiellement sa contribution cet été. Le document reprend l’annonce qu’elle avait faite, en novembre 2014, conjointement avec les Etats Unis, de s’engager à ce que son pic d’émissions de GES soit atteint d’ici 2030.[1] De plus, le pays entend réduire l’intensité carbonique de son économie (émissions de CO2 par point de PIB) de 60 % à 65 % par rapport à 2005 et d’augmenter à 20% la part des énergies non-fossiles dans sa consommation énergétique primaire. Ces contributions constituent un socle minimum, sur lequel l’ensemble des Parties s’accorde, mais qui ne suffira pas à atteindre l’objectif ultime de la convention.[2] Cette approche reproduit donc la logique de l’accord de Copenhague, en laissant à chacun décider des réductions auxquelles il s’engage.
 


Tableau 1 : Réductions d’émissions de GES annoncés pour le post-2020

Pays

Engagements

Union Européenne

Réduction de 40% d’émissions de GES à 2030 par rapport aux niveaux de 1990

Etats Unis

Réduction de 26-28% d’émissions de GES à 2025 par rapport aux niveaux de 2005

Chine

Vise à atteindre le pic d’émissions avant 2030 et à réduire l’intensité en émissions de CO2 de son PIB de 60-65% entre 2005 et 2030

Russie

Limiter émission des gaz anthropogéniques à 70-75% avant 2030 par rapport aux niveaux de 1900,  soumis à la capacité maximale des forets



Il semble néanmoins peu probable que l’accord universel juridiquement contraignant intègre explicitement ces contributions. Leur inclusion dans le texte de l’accord risquerait de rendre sa ratification difficile par certains pays, notamment les Etats Unis. En revanche, les parties pourraient s’engager à faire une contribution, à la réviser régulièrement pour renforcer progressivement son ambition et à accepter d’en faire un reporting régulier. Ce dernier volet assurerait un suivi régulier des efforts des différentes Parties, qui permettrait à la communauté internationale de pouvoir faire collectivement la revue de l’effort qui a été réalisé.

L’intégration d’objectifs de long terme est actuellement discutée, notamment la mention explicite d’une « neutralité carbone » durant la deuxième moitié du siècle, qui suppose que les émissions nettes de CO2 atteindraient zéro à terme. Les travaux du GIEC montrent en effet qu’un pic des émissions mondiales rapide est nécessaire pour respecter les 2-2,5°C, suivi d’une baisse rapide de ces émissions pendant des décennies pour arriver à la fin du siècle à des émissions nettes proches de zéro. Sans expliciter des objectifs chiffrés pour 2050, l’accord pourrait ainsi inclure un engagement, sur une base volontaire, de mettre en place des plans nationaux de décarbonisation des économies à long terme. L’action de court et moyen termes serait alors à évaluer en rapport avec cet objectif. Sur ce point, les positions ont évolué, les Etats Unis étant de plus en plus prêts à discuter d’une neutralité carbone à terme. D’autres pays restent néanmoins beaucoup plus réticents.

Les deux derniers piliers -un accord en matière de financement et un agenda de solutions- sont des leviers indispensables pour construire l’adhésion de toutes les Parties à l’accord qui sera trouvé. Dans le cadre de la convention Climat, il n’y a pas de règle de vote, les décisions se faisant par consensus. C’est un principe de base des décisions prises dans le cadre des Nations-Unies, qui peut rendre la tâche des négociateurs particulièrement ardue. Chaque pays doit donc trouver son intérêt dans l’accord. Développer les financements, notamment pour l’adaptation, est une option actuellement discutée afin d’inciter les pays les plus vulnérables aux dérèglements climatiques à rallier l’accord. La promotion des initiatives en faveur de la lutte contre le changement climatique, dans les villes, ou dans différents secteurs, participeront également à cet objectif.

Le succès de l’accord qui sera trouvé à la fin de l’année ne doit pas être jugé à l’aune des 2°C. Il est d’ores et déjà certain que la somme des efforts, explicités dans leur contribution nationale, ne suffira pas pour espérer limiter l’augmentation de la température moyenne mondiale à 2°C. Mais les négociateurs ont choisi de ne pas en faire un point de blocage. La crédibilité de l’accord viendra d’autres éléments, notamment de sa capacité à lancer une dynamique qui conduira les Parties à réviser régulièrement l’ambition de leurs contributions nationales.


[1] Les pays s’accordent généralement sur une trajectoire des émissions mondiales, mais aussi nationales, en U inversé. Quand un pays est en cours de développement, ses émissions croissent ; l’enjeu est alors de limiter leur taux de croissance. On s’attend ensuite à ce que les émissions de ce pays atteignent un pic avant de décroître ; l’enjeu est alors que ce pic intervienne le plus tôt et à un niveau le plus bas  possibles et que le taux de décroissance soit ensuite soutenu. Cette trajectoire renvoie à une littérature très fourni sur la courbe environnementale de Kuznets, qui porte sur les émissions de GES, mais aussi les polluants locaux ou encore la quantité de déchets par tête.

[2] Selon "Climate Action Tracker", les engagements pris par les pays conduiraient à une augmentation moyenne de la température mondiale de 3,1°C. Cette initiative, soutenue par la Convention-Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC), évalue également l’ambition de chaque contribution. Voir : http://climateactiontracker.org/

 

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