Quels apports du Japon à la COP 21 ?
L’Europe a été déçue de la proposition de réduction des émissions de GES par le Japon dans le cadre de la COP 21 : - 25,4 % entre 2005 et 2030. Le Japon pourrait néanmoins contribuer à faire avancer le dossier climat par ses technologies et des expériences originales.
Par Evelyne Dourille-Feer
Les politiques énergétiques japonaises ont intégré le réchauffement climatique à partir des années 1990. Cette orientation a été concrétisée par la signature du Protocole de Kyoto en 1997 qui engageait le Japon à réduire ses émissions de GES de 6 % entre 1990 et 2012. Toutefois, son désengagement du Protocole pour la deuxième période 2013-2020 a fait douter de sa possibilité d’être un « leader climatique ». De surcroît, l’accident nucléaire de Fukushima en mars 2011a bouleversé le mix-énergétique en direction des énergies fossiles polluantes. L’Europe espérait pourtant que le Japon présenterait une politique ambitieuse de réduction des émissions de GES dans le cadre de la COP 21, mais sa proposition de réduction de 25,4 % seulement entre 2005 et 2030, dévoilée fin avril 2015, a provoqué une immense déception. Même si cet objectif n’est pas revu à la hausse, le Japon pourra apporter une importante contribution à la COP 21 par ses technologies énergétiques et ses expériences originales.
Le changement du cap énergétique post-Fukushima
En juin 2010, le gouvernement du Parti Démocrate du Japon avait adopté un « Plan stratégique énergie » visant à faire passer entre 2010 et 2030 la part du nucléaire dans le mix-énergétique électrique de 29 % à 50 % et celle des énergies renouvelables de 10 % à 20 % afin de réduire la dépendance aux énergies fossiles importées. Environ un an après l’accident nucléaire de Fukushima, le gouvernement a annoncé son objectif de sortie du nucléaire avant 2040.
Afin de compenser le déficit de production électrique, il a été décidé de développer les énergies renouvelables, notamment le solaire. Les dix grandes compagnies d’électricité régionales, détentrices des réseaux électriques, ont dû racheter l’énergie solaire à un tarif élevé (40-42 yen /kWh). Toutefois, la résolution rapide des pénuries d’électricité passait par l’augmentation de la production des centrales thermiques qui a provoqué une hausse de la consommation d’énergies fossiles. Par ailleurs, des campagnes de sensibilisation des citoyens et des industries à la sobriété énergétique ont été lancées parallèlement à des programmes de soutien aux technologies d’optimisation de l’efficacité énergétique. Entre 2010 et 2013, près de la moitié des capacités nucléaires manquantes ont été comblées par des économies d’énergie (efficacité et sobriété énergétique) [1].
Le retour du nucléaire avec Shinzo Abe
La production électrique dépendait à 88 % des énergies fossiles lorsque Shinzo Abe est arrivé au pouvoir fin 2012. Cette dépendance était préoccupante pour l’équilibre de la balance commerciale, déficitaire depuis 2011, mais aussi pour la sécurité énergétique menacée par l’instabilité géopolitique des régions ou des routes d’approvisionnement du pétrole et du gaz naturel (Moyen Orient, détroit d’Ormuz et de Malacca…). De surcroît, le prix de l’électricité avait augmenté [2]. Si les émissions de GES du secteur de l’électricité avaient progressé de 16 % entre 2010 et 2012, les émissions totales du Japon étaient demeurées proches du niveau atteint en 2007.
En février 2015, le METI (Ministère de l’économie et du commerce extérieur), a laissé filtrer des éléments de chiffrage à l’horizon 2030 concernant l’autosuffisance énergétique (24,3 % contre 6,3 % en 2012) et le mix énergétique électrique souhaité. La solution du retour au nucléaire y est privilégiée. Bien que la part des énergies renouvelables double, les énergies fossiles devraient avoir encore un poids prépondérant même s’il est prévu de diminuer la dépendance aux centrales électriques à charbon.
En 2030, la part du nucléaire dans le mix énergétique électrique pourrait atteindre 20 % à 22 %. La réponse aux contraintes d’autosuffisance énergétique et d’émission de GES ainsi que l’impératif de baisse du prix de l’électricité expliquent cette volonté gouvernementale de retour au nucléaire bien que la population y soit encore majoritairement opposée. Selon les calculs du METI, alors que l’électricité nucléaire coûterait 10,1 yen /kWh à l’horizon 2030, l’hydro-électricité atteindrait 11,0 yen, le solaire 12,5 -16,4 yen, l’électricité éolienne 13,9 -21,9 yen et la géothermie 19,2 yen [3]. Compte tenu des limites au développement de l’hydroélectricité, le nucléaire apparaît comme très compétitif [4]. Néanmoins, comme l’objectif de la part du nucléaire en 2030 dépasse les capacités opérationnelles existantes, il faudra construire de nouveaux réacteurs nucléaires et/ou prolonger la durée de vie des centrales au-delà des 40 ans règlementaires [5]. Alors que fin mai 2015, il n’y avait encore aucun réacteur actif malgré le feu vert de la Nuclear Regulation Agency accordé à trois centrales, la centrale Sendai 1 de la Kyushu Electric pourrait être la première à redémarrer fin juillet 2015. Néanmoins, ce retour du nucléaire risque de briser la dynamique de croissance des énergies renouvelables.
A l’horizon 2030, le gouvernement envisage de porter la part des énergies renouvelables dans la production d’électricité à 24 % environ, soit près du double du niveau moyen 2000 - 2010 [6]. Alors que, en 2010, l’hydroélectricité représentait 3 % de la consommation d’énergie et 8,5 % de la production d’électricité ; les autres énergies renouvelables y contribuaient respectivement pour 1 % et 1,1 %. Fukushima a servi de catalyseur au développement des énergies renouvelables Ainsi, le Japon est devenu en 2013 le deuxième investisseur mondial derrière la Chine. Ses efforts s’étaient focalisés sur le solaire avec une capacité installée progressant de 2,5 GW à 23 GW entre 2010 et fin 2014. Néanmoins, vers la fin 2014, l’Etat a réduit le volume d’achat obligatoire d’énergie solaire par les compagnies électriques et abaissé le prix de rachat du solaire à 27 yen/kWh. A un tel prix, les investissements du secteur solaire deviennent peu rentables d’autant plus que des compagnies électriques commencent à acheter moins d’énergie solaire. Ce revirement politique risque de faire dérailler l’essor du solaire japonais alors que le nucléaire pourrait remettre en cause le développement de l’ensemble des énergies renouvelables.
Grâce à des rachats de crédit carbone et à la plantation de forêts, le Japon a rempli son engagement de Kyoto en affichant une réduction des GES de 6 % entre 1990 et 2012. Comme les probabilités de révision à la hausse de sa proposition de réduction des émissions de GES de 25,3 % entre 2005 et 2030 pour la COP 21 sont faibles, il ne fera pas figure de leader dans ce domaine face à l’UE (- 40 % d’émissions) ou même les Etats-Unis (- 26 % à – 28 % entre 2005 et 2025). Même si les retombées post-Fukushima expliquent cette modestie des objectifs japonais, une vision politique de long-terme plus ambitieuse était attendue du cinquième émetteur mondial de GES. Le Japon peut néanmoins contribuer de façon très positive à la COP 21 grâce à son avance technologique dans les secteurs de l’efficacité énergétique, du solaire et de l’hydrogène. Ses expériences de sobriété énergétique et ses projets décentralisés d’économies d’énergie sous l’égide d’acteurs locaux (smart grids, plan à 10 ans pour décarboner la ville de Tokyo [7]) constituent autant des pistes intéressantes.
Le changement du cap énergétique post-Fukushima
En juin 2010, le gouvernement du Parti Démocrate du Japon avait adopté un « Plan stratégique énergie » visant à faire passer entre 2010 et 2030 la part du nucléaire dans le mix-énergétique électrique de 29 % à 50 % et celle des énergies renouvelables de 10 % à 20 % afin de réduire la dépendance aux énergies fossiles importées. Environ un an après l’accident nucléaire de Fukushima, le gouvernement a annoncé son objectif de sortie du nucléaire avant 2040.
Afin de compenser le déficit de production électrique, il a été décidé de développer les énergies renouvelables, notamment le solaire. Les dix grandes compagnies d’électricité régionales, détentrices des réseaux électriques, ont dû racheter l’énergie solaire à un tarif élevé (40-42 yen /kWh). Toutefois, la résolution rapide des pénuries d’électricité passait par l’augmentation de la production des centrales thermiques qui a provoqué une hausse de la consommation d’énergies fossiles. Par ailleurs, des campagnes de sensibilisation des citoyens et des industries à la sobriété énergétique ont été lancées parallèlement à des programmes de soutien aux technologies d’optimisation de l’efficacité énergétique. Entre 2010 et 2013, près de la moitié des capacités nucléaires manquantes ont été comblées par des économies d’énergie (efficacité et sobriété énergétique) [1].
Le retour du nucléaire avec Shinzo Abe
La production électrique dépendait à 88 % des énergies fossiles lorsque Shinzo Abe est arrivé au pouvoir fin 2012. Cette dépendance était préoccupante pour l’équilibre de la balance commerciale, déficitaire depuis 2011, mais aussi pour la sécurité énergétique menacée par l’instabilité géopolitique des régions ou des routes d’approvisionnement du pétrole et du gaz naturel (Moyen Orient, détroit d’Ormuz et de Malacca…). De surcroît, le prix de l’électricité avait augmenté [2]. Si les émissions de GES du secteur de l’électricité avaient progressé de 16 % entre 2010 et 2012, les émissions totales du Japon étaient demeurées proches du niveau atteint en 2007.
En février 2015, le METI (Ministère de l’économie et du commerce extérieur), a laissé filtrer des éléments de chiffrage à l’horizon 2030 concernant l’autosuffisance énergétique (24,3 % contre 6,3 % en 2012) et le mix énergétique électrique souhaité. La solution du retour au nucléaire y est privilégiée. Bien que la part des énergies renouvelables double, les énergies fossiles devraient avoir encore un poids prépondérant même s’il est prévu de diminuer la dépendance aux centrales électriques à charbon.
En 2030, la part du nucléaire dans le mix énergétique électrique pourrait atteindre 20 % à 22 %. La réponse aux contraintes d’autosuffisance énergétique et d’émission de GES ainsi que l’impératif de baisse du prix de l’électricité expliquent cette volonté gouvernementale de retour au nucléaire bien que la population y soit encore majoritairement opposée. Selon les calculs du METI, alors que l’électricité nucléaire coûterait 10,1 yen /kWh à l’horizon 2030, l’hydro-électricité atteindrait 11,0 yen, le solaire 12,5 -16,4 yen, l’électricité éolienne 13,9 -21,9 yen et la géothermie 19,2 yen [3]. Compte tenu des limites au développement de l’hydroélectricité, le nucléaire apparaît comme très compétitif [4]. Néanmoins, comme l’objectif de la part du nucléaire en 2030 dépasse les capacités opérationnelles existantes, il faudra construire de nouveaux réacteurs nucléaires et/ou prolonger la durée de vie des centrales au-delà des 40 ans règlementaires [5]. Alors que fin mai 2015, il n’y avait encore aucun réacteur actif malgré le feu vert de la Nuclear Regulation Agency accordé à trois centrales, la centrale Sendai 1 de la Kyushu Electric pourrait être la première à redémarrer fin juillet 2015. Néanmoins, ce retour du nucléaire risque de briser la dynamique de croissance des énergies renouvelables.
A l’horizon 2030, le gouvernement envisage de porter la part des énergies renouvelables dans la production d’électricité à 24 % environ, soit près du double du niveau moyen 2000 - 2010 [6]. Alors que, en 2010, l’hydroélectricité représentait 3 % de la consommation d’énergie et 8,5 % de la production d’électricité ; les autres énergies renouvelables y contribuaient respectivement pour 1 % et 1,1 %. Fukushima a servi de catalyseur au développement des énergies renouvelables Ainsi, le Japon est devenu en 2013 le deuxième investisseur mondial derrière la Chine. Ses efforts s’étaient focalisés sur le solaire avec une capacité installée progressant de 2,5 GW à 23 GW entre 2010 et fin 2014. Néanmoins, vers la fin 2014, l’Etat a réduit le volume d’achat obligatoire d’énergie solaire par les compagnies électriques et abaissé le prix de rachat du solaire à 27 yen/kWh. A un tel prix, les investissements du secteur solaire deviennent peu rentables d’autant plus que des compagnies électriques commencent à acheter moins d’énergie solaire. Ce revirement politique risque de faire dérailler l’essor du solaire japonais alors que le nucléaire pourrait remettre en cause le développement de l’ensemble des énergies renouvelables.
Grâce à des rachats de crédit carbone et à la plantation de forêts, le Japon a rempli son engagement de Kyoto en affichant une réduction des GES de 6 % entre 1990 et 2012. Comme les probabilités de révision à la hausse de sa proposition de réduction des émissions de GES de 25,3 % entre 2005 et 2030 pour la COP 21 sont faibles, il ne fera pas figure de leader dans ce domaine face à l’UE (- 40 % d’émissions) ou même les Etats-Unis (- 26 % à – 28 % entre 2005 et 2025). Même si les retombées post-Fukushima expliquent cette modestie des objectifs japonais, une vision politique de long-terme plus ambitieuse était attendue du cinquième émetteur mondial de GES. Le Japon peut néanmoins contribuer de façon très positive à la COP 21 grâce à son avance technologique dans les secteurs de l’efficacité énergétique, du solaire et de l’hydrogène. Ses expériences de sobriété énergétique et ses projets décentralisés d’économies d’énergie sous l’égide d’acteurs locaux (smart grids, plan à 10 ans pour décarboner la ville de Tokyo [7]) constituent autant des pistes intéressantes.
[1] Lauri Myllyvirta, Justin. Guay, How Japan replaced half of its nuclear capacity with efficiency, Greentechmedia.com, April 10, 2014.
[2] +20% pour les ménages par rapport à 2010.
[3] JAIF, Nuclear Generating Costs in 2030 Put at JPY 10,1/kWh, Superior to Rest, April 30 2015.
[4] Les coûts de démantèlement des centrales ou des retombées d’un accident possible ne sont pas intégrés.
[5] http://www.nei.org/News-Media/News/Japan-Nuclear-Update
[6] Nikkei Asian Review, Gov’t proposes greenhouse gas emission cut of up to 26%, April 30 2015.
[7] Magali Dreyfus, Tokyo shows path to cutting emissions, Nikkei Asian Review, April 9 2015