Etats-Unis : des réductions automatiques de dépenses absurdes
La mise en œuvre d’un mécanisme de réduction automatique des dépenses n’a pu être stoppée à temps, mais des modifications pourraient intervenir dès la fin mars.
Par Christophe Destais
Les parlementaires américains ont laissé passer la date du 1er mars 2013. 85 milliards de dollars de réduction des dépenses fédérales interviendront donc automatiquement en 2013. En l’absence d’actions du Congrès, le volume des réductions augmentera progressivement dans les années qui suivent pour atteindre 150 milliards de dollars en 2021, dernière année de leur application. Ces réductions sont automatiques, sans discrimination entre les fonctions vitales et celles moins essentielles au bon déroulement de la vie sociale et à la défense du pays. Près de la moitié de ces réductions proviendra des dépenses civiles et militaires de défense, 35% des dépenses d’intervention du gouvernement fédéral et 12% des dépenses de couverture maladie des personnes âgées (Medicare) qui aux Etats-Unis sont intégrées au budget général du gouvernement.
Cette situation résulte d’un enchaînement complexe d’événements. En 2011, les Républicains – qui dominaient et dominent toujours la Chambre des Représentants – n’avaient consenti à accepter un relèvement du plafond de la dette fédérale qu’à la condition que soit mis en œuvre, à partir du 1er janvier 2013, un mécanisme de réduction automatique des dépenses (sequester) dans le cas où un accord général sur les perspectives budgétaires ne serait pas trouvé avant la fin de l’année 2011. Une commission composée de démocrates et de républicains (supercommittee) devait élaborer un projet qui aurait été soumis pour approbation ou rejet au Congrès, sans droit d’amendement. Le supercommittee a échouéà trouver un accord.
Au début de l’année 2012, le Congrès et l’administration américaine ont pris conscience que la date du 1er janvier 2013 était aussi l’échéance des réductions d’impôts adoptées sous Bush en 2001 et 2003 (et déjà prorogées) et de la réduction des cotisations sociales décidée au début de 2009, pour stimuler l’économie en pleine crise. La concomitance de ces événements pouvait conduire une économie convalescente à replonger dans la récession. C’est ce qu’on a appelé la falaise budgétaire (fiscal cliff).
C’est après avoir arrêté les pendules pendant quelques heures le 1er janvier dernier que le Congrès est parvenu à un accord pour éviter à l’économie américaine de plonger de cette falaise. Du côté des recettes, l’essentiel des réductions d’impôt de l’ère Bush a été prorogé, sauf pour les ménages gagnant plus de 400 000 dollars par an qui ont vu leur imposition augmenter. Du côté des dépenses, l’application des réductions automatiques a été reportée de… deux mois, sauf accord au Congrès sur un autre schéma budgétaire !
En dépit de la brillante réélection de Barack Obama, en novembre, les élections n’ont pas modifié les équilibres politiques du Congrès. La Chambre des Représentants reste dominée par les Républicains et les Démocrates disposent d’une majorité plus solide mais toujours courte au Sénat. Débarrassé de la nécessité de se faire réélire, Barack Obama a les coudées plus franches ; les Républicains n’ont cependant pas plus de raison qu’à la fin de l’année dernière de lui faire des cadeaux et leur hostilité à toute nouvelle augmentation d’impôt est plus viscérale que jamais. Ils n’avaient consenti à celle du 31 décembre qu’in extremis et avec la peur d’être désignés responsables d’une grave rechute de l’économie américaine.
En 2011, Barack Obama avait accepté le mécanisme de réduction automatique des dépenses : relever le plafond de la dette était une nécessité impérative pour lui et il pensait que des réductions importantes des programmes de défense étaient inacceptables pour les républicains et qu’ils préfèreraient toujours d’autres solutions. Il semble aujourd’hui, au moins à court terme, que ce pari est perdu. L’hostilité à l’impôt paraît l’emporter chez les Républicains qui, eux aussi, sont peut-être en train de se résigner à la réduction de la puissance militaire américaine.
Aujourd’hui, le pari des démocrates est que le désordre provoqué par les réductions indistinctes de dépenses ramènera les républicains à la table des négociations. Ils souhaitent notamment profiter de cette échéance pour alourdir la fiscalité sur les plus riches (au delà de 1 million de dollars de revenus annuels).
Le processus budgétaire américain est fondamentalement désordonné et erratique. En l’absence de procédures permettant de trancher clairement et compte tenu du climat d’affrontement partisan qui domine Washington, les parlementaires ont recours à des expédients pour des durées très courtes. Comme cela a été fréquemment le cas ces dernières années, le Congrès n’a pas voté de budget pour l’année fiscale qui va d’octobre 2012 à septembre 2013. Il ne s’est mis d’accord que sur des dotations provisoires, une "continuing resolution" pour permettre au gouvernement fédéral de continuer à fonctionner. La continuing resolution adoptée fin septembre 2012 vient à échéance le 27 mars prochain. Cette échéance offre l'opportunité de remettre en cause les réductions automatiques moins d'un mois après leur entrée en vigueur.
Leur pleine application en 2013 pourrait, selon les estimations du Congressionnal Budget Office, conduire à une moindre croissance de 0,6% du PIB. Des travaux de la George Mason University estiment qu’elle pourrait résulter en une augmentation du taux de chômage de 0,25% à 1,25% (il était de 7,9% au mois de janvier 2013).
Même si le débat budgétaire aux Etats-Unis a atteint un degré élevé d’irrationalité, on peut toujours espérer qu’on ne laissera pas faire cette mécanique infernale de réductions automatiques affectant sans discrimination tous les secteurs. Pour reprendre l’image d’un ancien haut fonctionnaire de l’administration Clinton, dans un article du Financial Times, c’est comme si en période de réduction budgétaire drastique dans un hôpital, on coupait de manière identique le service de chirurgie esthétique et celui de réanimation.
Cette situation résulte d’un enchaînement complexe d’événements. En 2011, les Républicains – qui dominaient et dominent toujours la Chambre des Représentants – n’avaient consenti à accepter un relèvement du plafond de la dette fédérale qu’à la condition que soit mis en œuvre, à partir du 1er janvier 2013, un mécanisme de réduction automatique des dépenses (sequester) dans le cas où un accord général sur les perspectives budgétaires ne serait pas trouvé avant la fin de l’année 2011. Une commission composée de démocrates et de républicains (supercommittee) devait élaborer un projet qui aurait été soumis pour approbation ou rejet au Congrès, sans droit d’amendement. Le supercommittee a échouéà trouver un accord.
Au début de l’année 2012, le Congrès et l’administration américaine ont pris conscience que la date du 1er janvier 2013 était aussi l’échéance des réductions d’impôts adoptées sous Bush en 2001 et 2003 (et déjà prorogées) et de la réduction des cotisations sociales décidée au début de 2009, pour stimuler l’économie en pleine crise. La concomitance de ces événements pouvait conduire une économie convalescente à replonger dans la récession. C’est ce qu’on a appelé la falaise budgétaire (fiscal cliff).
C’est après avoir arrêté les pendules pendant quelques heures le 1er janvier dernier que le Congrès est parvenu à un accord pour éviter à l’économie américaine de plonger de cette falaise. Du côté des recettes, l’essentiel des réductions d’impôt de l’ère Bush a été prorogé, sauf pour les ménages gagnant plus de 400 000 dollars par an qui ont vu leur imposition augmenter. Du côté des dépenses, l’application des réductions automatiques a été reportée de… deux mois, sauf accord au Congrès sur un autre schéma budgétaire !
En dépit de la brillante réélection de Barack Obama, en novembre, les élections n’ont pas modifié les équilibres politiques du Congrès. La Chambre des Représentants reste dominée par les Républicains et les Démocrates disposent d’une majorité plus solide mais toujours courte au Sénat. Débarrassé de la nécessité de se faire réélire, Barack Obama a les coudées plus franches ; les Républicains n’ont cependant pas plus de raison qu’à la fin de l’année dernière de lui faire des cadeaux et leur hostilité à toute nouvelle augmentation d’impôt est plus viscérale que jamais. Ils n’avaient consenti à celle du 31 décembre qu’in extremis et avec la peur d’être désignés responsables d’une grave rechute de l’économie américaine.
En 2011, Barack Obama avait accepté le mécanisme de réduction automatique des dépenses : relever le plafond de la dette était une nécessité impérative pour lui et il pensait que des réductions importantes des programmes de défense étaient inacceptables pour les républicains et qu’ils préfèreraient toujours d’autres solutions. Il semble aujourd’hui, au moins à court terme, que ce pari est perdu. L’hostilité à l’impôt paraît l’emporter chez les Républicains qui, eux aussi, sont peut-être en train de se résigner à la réduction de la puissance militaire américaine.
Aujourd’hui, le pari des démocrates est que le désordre provoqué par les réductions indistinctes de dépenses ramènera les républicains à la table des négociations. Ils souhaitent notamment profiter de cette échéance pour alourdir la fiscalité sur les plus riches (au delà de 1 million de dollars de revenus annuels).
Le processus budgétaire américain est fondamentalement désordonné et erratique. En l’absence de procédures permettant de trancher clairement et compte tenu du climat d’affrontement partisan qui domine Washington, les parlementaires ont recours à des expédients pour des durées très courtes. Comme cela a été fréquemment le cas ces dernières années, le Congrès n’a pas voté de budget pour l’année fiscale qui va d’octobre 2012 à septembre 2013. Il ne s’est mis d’accord que sur des dotations provisoires, une "continuing resolution" pour permettre au gouvernement fédéral de continuer à fonctionner. La continuing resolution adoptée fin septembre 2012 vient à échéance le 27 mars prochain. Cette échéance offre l'opportunité de remettre en cause les réductions automatiques moins d'un mois après leur entrée en vigueur.
Leur pleine application en 2013 pourrait, selon les estimations du Congressionnal Budget Office, conduire à une moindre croissance de 0,6% du PIB. Des travaux de la George Mason University estiment qu’elle pourrait résulter en une augmentation du taux de chômage de 0,25% à 1,25% (il était de 7,9% au mois de janvier 2013).
Même si le débat budgétaire aux Etats-Unis a atteint un degré élevé d’irrationalité, on peut toujours espérer qu’on ne laissera pas faire cette mécanique infernale de réductions automatiques affectant sans discrimination tous les secteurs. Pour reprendre l’image d’un ancien haut fonctionnaire de l’administration Clinton, dans un article du Financial Times, c’est comme si en période de réduction budgétaire drastique dans un hôpital, on coupait de manière identique le service de chirurgie esthétique et celui de réanimation.