Stop and go sur les marchés immobiliers : les exemples du Royaume-Uni, de la France et de la Chine
Les politiques de relance de l’immobilier permettent de soutenir à court terme l’activité. A plus long terme, elles sont toutefois risquées.
Par Thomas Grjebine
Billet du 28 avril 2016
Face à la persistance d’une croissance faible plusieurs années après le déclenchement de la crise en 2007-2008, la tentation a été grande pour beaucoup de gouvernements de mener des politiques visant à relancer les marchés immobiliers. Ces politiques permettent d’obtenir un soutien de l’activité (« quand le bâtiment va tout va ! ») plus rapide que des réformes structurelles ou des politiques d’investissement ambitieuses. A plus long terme, elles sont toutefois risquées. La Grande-Bretagne, la France et la Chine sont assez emblématiques des politiques de stop and go qui ont été menées ces dernières années pour faire de la croissance du secteur immobilier un levier de croissance économique.
En Grande-Bretagne, le Premier ministre David Cameron a placé la croissance forte du secteur immobilier au cœur de sa stratégie économique. Pour relancer le marché britannique, il a instauré en avril 2013 le programme Help-to-Buy (aider à acheter) visant à aider les particuliers à accéder à la propriété. Ce programme permet aux ménages de devenir propriétaires d’un bien immobilier avec un apport personnel de 5 % seulement. Alors que les prix immobiliers baissaient en 2012, ils ont augmenté de 5 % en 2013, de 11 % en 2014, et de 9 % en 2015. La construction connaît depuis début 2013 sa plus forte croissance depuis le début des années 1980, augmentant de 40 % entre début 2013 et fin 2014. C’est la principale contribution positive à la croissance britannique sur la période. En 2013 et 2014, le PIB a augmenté en volume de 2,9 % par an, un chiffre proche de la moyenne atteinte entre 1997 et 2007 (3 %). La forte croissance observée au Royaume-Uni semble indiquer qu’une relance du marché immobilier permet d’obtenir un soutien rapide de l’activité. Il s’agit cependant d’un pari très risqué. Le gouverneur de la Banque d’Angleterre a déclaré, en mai 2014, que la hausse de l’immobilier était « le plus gros risque » menaçant la stabilité financière outre-Manche. Malgré cet avertissement, le gouvernement britannique a introduit, en 2015, de nouvelles mesures visant à stimuler l’immobilier – Help to Buy Isa – stimulant encore la hausse des prix immobiliers et la construction.
En France, le gouvernement mène également une politique de stop and go, d’abord en voulant ralentir la hausse des prix à partir de 2012, puis en cherchant à partir de 2014 à relancer le marché immobilier et la dynamique de prix pour stimuler la croissance. De 2012 à 2014, il a affiché la volonté de faire baisser les prix de l’immobilier dont la cherté serait un handicap pour l’économie française [1]. Cette stratégie s’est notamment traduite par la loi ALUR du 24 mars 2014 dont l’un des dispositifs vise un encadrement des loyers, et donc in fine une baisse des prix immobiliers. Cette politique paraît avoir accompagné le retournement du cycle immobilier en influençant le retournement des anticipations des agents. Selon l’Insee, le marasme dans la construction a été le principal frein à la croissance en France entre 2012 et 2014, l’investissement des ménages étant ressorti comme la principale contribution négative à la croissance. Selon le Ministre des finances Michel Sapin, « la construction est le problème de l’économie française » (février 2015). A l’été 2014, l’assouplissement de la loi ALUR annonçait un revirement, confirmé à l’automne 2015 avec l’annonce par le Président de la République de mesures pour faciliter l’accès à la propriété, via un élargissement du prêt à taux zéro. L’objectif est de créer une dynamique pour enrayer la baisse lente des prix de l'immobilier qui s'était engagée depuis 2012, et qui coïncidait avec une diminution de l'activité dans le secteur du bâtiment.
En Chine, les autorités ont aussi opéré un véritable pilotage des prix immobiliers, alternant depuis 2010 mesures restrictives et mesures de relance selon la vigueur du marché immobilier (voir graphique). Les prix immobiliers ont augmenté en moyenne en Chine de 17 % par an ces dix dernières années, une augmentation très supérieure à celle du PIB par habitant (+10 % par an). Face à cette surchauffe du marché immobilier, le gouvernement a imposé à partir de 2010 une série de mesures visant à ralentir la hausse des prix, avec en particulier des restrictions fortes pour l’achat d’un second ou d’un troisième logement et l’augmentation de l’apport exigé pour l’obtention d’un crédit. Ces mesures ont permis un ralentissement du marché immobilier en 2011. Inquiètes des conséquences de ce ralentissement sur la croissance, les autorités ont décidé, en 2012, de baisser les taux d’intérêt. La frénésie immobilière est alors repartie de plus belle, entraînant des surcapacités importantes. Le gouvernement a donc décidé en 2013 de renforcer les mesures restrictives pour limiter la bulle immobilière. Ces mesures pourraient avoir occasionné le retournement du cycle observé à partir de 2014, la plus forte contraction du marché immobilier depuis 2008. La Banque centrale et le gouvernement ont alors annoncé de septembre 2014 à février 2016 une longue série de mesures pour tenter de relancer ce marché : assouplissement des contraintes pour l’obtention d’un crédit avec une forte baisse du niveau d’apport exigé, baisse significative des taux d’intérêts d’emprunts pour les primo-accédants à la propriété, six baisses successives des taux directeurs, forte réduction des taxes sur les achats immobiliers, etc. Des mesures très agressives qui semblent avoir inversé la dynamique baissière à partir de mars 2015. Un éclatement de la bulle immobilière serait particulièrement dangereux pour l’économie chinoise, l'investissement immobilier représentant 15 % du PIB, 25 % en ajoutant les industries associées (ciment, etc.).
Au final, si ces politiques de stop and go semblent produire des effets, les résultats d’une récente étude du CEPII résumée dans la Lettre du CEPII n°364 invitent à la prudence, l’efficacité de ces politiques à court terme pouvant être remise cause par des effets négatifs à plus long terme [2].
En Grande-Bretagne, le Premier ministre David Cameron a placé la croissance forte du secteur immobilier au cœur de sa stratégie économique. Pour relancer le marché britannique, il a instauré en avril 2013 le programme Help-to-Buy (aider à acheter) visant à aider les particuliers à accéder à la propriété. Ce programme permet aux ménages de devenir propriétaires d’un bien immobilier avec un apport personnel de 5 % seulement. Alors que les prix immobiliers baissaient en 2012, ils ont augmenté de 5 % en 2013, de 11 % en 2014, et de 9 % en 2015. La construction connaît depuis début 2013 sa plus forte croissance depuis le début des années 1980, augmentant de 40 % entre début 2013 et fin 2014. C’est la principale contribution positive à la croissance britannique sur la période. En 2013 et 2014, le PIB a augmenté en volume de 2,9 % par an, un chiffre proche de la moyenne atteinte entre 1997 et 2007 (3 %). La forte croissance observée au Royaume-Uni semble indiquer qu’une relance du marché immobilier permet d’obtenir un soutien rapide de l’activité. Il s’agit cependant d’un pari très risqué. Le gouverneur de la Banque d’Angleterre a déclaré, en mai 2014, que la hausse de l’immobilier était « le plus gros risque » menaçant la stabilité financière outre-Manche. Malgré cet avertissement, le gouvernement britannique a introduit, en 2015, de nouvelles mesures visant à stimuler l’immobilier – Help to Buy Isa – stimulant encore la hausse des prix immobiliers et la construction.
En France, le gouvernement mène également une politique de stop and go, d’abord en voulant ralentir la hausse des prix à partir de 2012, puis en cherchant à partir de 2014 à relancer le marché immobilier et la dynamique de prix pour stimuler la croissance. De 2012 à 2014, il a affiché la volonté de faire baisser les prix de l’immobilier dont la cherté serait un handicap pour l’économie française [1]. Cette stratégie s’est notamment traduite par la loi ALUR du 24 mars 2014 dont l’un des dispositifs vise un encadrement des loyers, et donc in fine une baisse des prix immobiliers. Cette politique paraît avoir accompagné le retournement du cycle immobilier en influençant le retournement des anticipations des agents. Selon l’Insee, le marasme dans la construction a été le principal frein à la croissance en France entre 2012 et 2014, l’investissement des ménages étant ressorti comme la principale contribution négative à la croissance. Selon le Ministre des finances Michel Sapin, « la construction est le problème de l’économie française » (février 2015). A l’été 2014, l’assouplissement de la loi ALUR annonçait un revirement, confirmé à l’automne 2015 avec l’annonce par le Président de la République de mesures pour faciliter l’accès à la propriété, via un élargissement du prêt à taux zéro. L’objectif est de créer une dynamique pour enrayer la baisse lente des prix de l'immobilier qui s'était engagée depuis 2012, et qui coïncidait avec une diminution de l'activité dans le secteur du bâtiment.
En Chine, les autorités ont aussi opéré un véritable pilotage des prix immobiliers, alternant depuis 2010 mesures restrictives et mesures de relance selon la vigueur du marché immobilier (voir graphique). Les prix immobiliers ont augmenté en moyenne en Chine de 17 % par an ces dix dernières années, une augmentation très supérieure à celle du PIB par habitant (+10 % par an). Face à cette surchauffe du marché immobilier, le gouvernement a imposé à partir de 2010 une série de mesures visant à ralentir la hausse des prix, avec en particulier des restrictions fortes pour l’achat d’un second ou d’un troisième logement et l’augmentation de l’apport exigé pour l’obtention d’un crédit. Ces mesures ont permis un ralentissement du marché immobilier en 2011. Inquiètes des conséquences de ce ralentissement sur la croissance, les autorités ont décidé, en 2012, de baisser les taux d’intérêt. La frénésie immobilière est alors repartie de plus belle, entraînant des surcapacités importantes. Le gouvernement a donc décidé en 2013 de renforcer les mesures restrictives pour limiter la bulle immobilière. Ces mesures pourraient avoir occasionné le retournement du cycle observé à partir de 2014, la plus forte contraction du marché immobilier depuis 2008. La Banque centrale et le gouvernement ont alors annoncé de septembre 2014 à février 2016 une longue série de mesures pour tenter de relancer ce marché : assouplissement des contraintes pour l’obtention d’un crédit avec une forte baisse du niveau d’apport exigé, baisse significative des taux d’intérêts d’emprunts pour les primo-accédants à la propriété, six baisses successives des taux directeurs, forte réduction des taxes sur les achats immobiliers, etc. Des mesures très agressives qui semblent avoir inversé la dynamique baissière à partir de mars 2015. Un éclatement de la bulle immobilière serait particulièrement dangereux pour l’économie chinoise, l'investissement immobilier représentant 15 % du PIB, 25 % en ajoutant les industries associées (ciment, etc.).
Au final, si ces politiques de stop and go semblent produire des effets, les résultats d’une récente étude du CEPII résumée dans la Lettre du CEPII n°364 invitent à la prudence, l’efficacité de ces politiques à court terme pouvant être remise cause par des effets négatifs à plus long terme [2].
Graphique : Croissance annuelle des prix de l’immobilier en Chine
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Source : China National Bureau of Statistics.
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Références :
Grjebine, T., & Tripier, F. (2015). Excess Finance and Growth: Don't Lose Sight of Expansions!, CEPII Working Paper, N°2015-31.
Grjebine, T., & Tripier, F. (2015). Finance et croissance : le court terme aux dépens du long terme ?, Lettre du CEPII, n°364, avril.
[1] La ministre du Logement déclarait ainsi en janvier 2013 : "ma priorité est de faire baisser les prix de l'immobilier, du foncier et des loyers".
[2] L’étude (Grjebine & Tripier, 2015) montre en particulier que si une forte croissance financière (comme ici des prix de l’immobilier) s’accompagne d’une croissance plus forte sur l’ensemble d’un cycle économique – le supplément de croissance pendant l’expansion l’emportant sur les pertes en phase de récession – elle réduit la croissance au cours des cycles suivants en raison d’effets d’hystérèse.
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