Jusqu’où peut aller la responsabilité des grandes banques centrales ?
Lors du dernier G20 finance, pays avancés et pays émergents se sont opposés sur la responsabilité des importants mouvements de capitaux qui ont déstabilisé de nombreuses monnaies de ces pays.
Par Jean-Pierre Patat
Billet du 1er avril 2014
Pour ces derniers, c’est la décision de la FED de réduire progressivement les encours de ses opérations de quantitative easing et ses conséquences sur les taux d’intérêt qui seraient à l’origine de leurs difficultés. Effectivement, les taux américains à 10 ans sont désormais à 2,60, contre un plus bas de 1,38 il y a quelques mois. Toutefois, on peut se demander si, dans leurs critiques, les pays émergents ne se trompent pas de cible. Nul ne pouvait penser que la FED maintiendrait ad aeternam sa politique très souple. Par ailleurs, son action est extrêmement graduelle, prudentissime même. En l’occurrence, ce sont les marchés qui ont surréagi. Il n’y a pas eu de krach obligataire, mais l’ampleur des mouvements de capitaux effectués au détriment des émergents a été très forte. Certains trouvent la réaction excessive. À moins que… les investisseurs aient estimé que, désormais, le différentiel de taux en faveur des émergents n’offrait plus à leurs capitaux une rémunération de nature à compenser les graves lacunes des politiques économiques de ces pays, dont ils étaient parfaitement conscients, mais sur lesquelles ils fermaient les yeux, compte tenu d’un retour sur investissement avantageux, mais qu’ils estimaient certainement provisoire. L’erreur des émergents est sans doute d’avoir considéré que ces mouvements de capitaux, lorsqu’ils leur étaient favorables, témoignaient de la confiance des marchés devant leur essor et dans leur avenir. Il faut dire que tout concourait à les entretenir dans ces illusions, en premier lieu les analystes et medias des pays avancés qui s’enthousiasmaient pour des évolutions que leur masochisme chronique mettait en parallèle avec le déclin inéluctable de leurs pays. Pourtant, de nombreux indices, pauvreté et inégalités récurrentes, services publics défaillants, infrastructures antédiluviennes et s’améliorant peu, enfin, dans certains pays (Argentine entre autre), politique économique incohérente, montraient que les seules performances du secteur productif et/ou les rentes de matières premières ne suffiraient pas à faire de ces pays des économies développées.
Poser la responsabilité des actions des grandes banques centrales et des effets induits, qui peuvent être souvent néfastes, n’est pourtant pas hors de propos.
Dans le passé, on peut en trouver deux exemples, aux conséquences inégales. Le taux d’intérêt, proche de 0 %, maintenu par la Banque du Japon durant les années 1990, alors que partout dans le monde, les taux étaient largement positifs – la crise n’était pas encore intervenue – avaient provoqué des opérations dites de « yen carry trade », consistant à emprunter du yen à presque 0 % pour le revendre contre devises plus rémunératrices : des mouvements de capitaux souvent perturbateurs, qui provoquaient en outre l’affaiblissement, pas forcément souhaité, de la devise empruntée, et dont même les Américains faisaient les frais. Plus grave, jusqu’aux premières années du XXIème siècle, Alan Greenspan, pour qui les marchés ont les yeux de Chimène, encensé par les Européens qui dénonçaient par ailleurs une BCE autiste, en application du conte bleu qu’il distille sur les « nouveaux paradigmes » et les vertus des nouvelles technologies, maintient une politique monétaire « souple » favorisant l’exubérance des pratiques financières et semant les germes de la crise qui mettra le feu à la planète financière.
Donner ces exemples, c’est souhaiter que les décisions d’une grande banque centrale – BCE, FED – soient prises, non seulement à l’aune de leurs retombées attendues pour l’économie nationale, mais aussi à l’issue d’une réflexion sur un bilan prospectif, avantage pour l’économie nationale/coût pour la planète engendrant finalement des retombées négatives sur l’économie nationale. Difficile à imaginer. Du moins, la conscience de ses responsabilités par une banque centrale pourrait-elle servir de garde-fou à des politiques insensées.
Aujourd’hui, la responsabilité de la FED tient-elle à la réduction graduelle des encours de ses opérations de quantitative easing, provoquant ainsi des mouvements de capitaux indésirables, ou est-elle d’avoir précédemment surréagi à la crise en inondant la liquidité bancaire mondiale ? J’inclinerais vers la deuxième hypothèse, non pour le risque d’inflation – les capacités de production restent partout largement sous-utilisées –, mais pour le risque que fait courir, une fois de plus, pour la stabilité financière mondiale, l’existence de cette masse de capitaux qui ne diminue que très lentement.
Poser la responsabilité des actions des grandes banques centrales et des effets induits, qui peuvent être souvent néfastes, n’est pourtant pas hors de propos.
Dans le passé, on peut en trouver deux exemples, aux conséquences inégales. Le taux d’intérêt, proche de 0 %, maintenu par la Banque du Japon durant les années 1990, alors que partout dans le monde, les taux étaient largement positifs – la crise n’était pas encore intervenue – avaient provoqué des opérations dites de « yen carry trade », consistant à emprunter du yen à presque 0 % pour le revendre contre devises plus rémunératrices : des mouvements de capitaux souvent perturbateurs, qui provoquaient en outre l’affaiblissement, pas forcément souhaité, de la devise empruntée, et dont même les Américains faisaient les frais. Plus grave, jusqu’aux premières années du XXIème siècle, Alan Greenspan, pour qui les marchés ont les yeux de Chimène, encensé par les Européens qui dénonçaient par ailleurs une BCE autiste, en application du conte bleu qu’il distille sur les « nouveaux paradigmes » et les vertus des nouvelles technologies, maintient une politique monétaire « souple » favorisant l’exubérance des pratiques financières et semant les germes de la crise qui mettra le feu à la planète financière.
Donner ces exemples, c’est souhaiter que les décisions d’une grande banque centrale – BCE, FED – soient prises, non seulement à l’aune de leurs retombées attendues pour l’économie nationale, mais aussi à l’issue d’une réflexion sur un bilan prospectif, avantage pour l’économie nationale/coût pour la planète engendrant finalement des retombées négatives sur l’économie nationale. Difficile à imaginer. Du moins, la conscience de ses responsabilités par une banque centrale pourrait-elle servir de garde-fou à des politiques insensées.
Aujourd’hui, la responsabilité de la FED tient-elle à la réduction graduelle des encours de ses opérations de quantitative easing, provoquant ainsi des mouvements de capitaux indésirables, ou est-elle d’avoir précédemment surréagi à la crise en inondant la liquidité bancaire mondiale ? J’inclinerais vers la deuxième hypothèse, non pour le risque d’inflation – les capacités de production restent partout largement sous-utilisées –, mais pour le risque que fait courir, une fois de plus, pour la stabilité financière mondiale, l’existence de cette masse de capitaux qui ne diminue que très lentement.
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