L'union bancaire a besoin d'un garant en dernier ressort
Comme les crises qui se succèdent depuis 2007 l'ont montré, les Etats agissent comme garants en dernier ressort du système financier. Cela restera vrai dans le futur, même si une meilleure régulation et la mise à contribution des créanciers des institutions financières permettent de mieux circonscrire les risques supportés par les contribuables.
Par Christophe Destais
Billet du 17 juin 2013
Dans tous les pays développés où le secteur financier a été affecté par la crise financière de 2008-2009, les Etats ont soutenu l’activité afin d’éviter ou de limiter les conséquences dépressives de cette crise. Ils ont aussi agi en tant que garants en dernier ressort des institutions financières, en particulier les banques, qu’elles aient été exposées à des débiteurs domestiques ou des débiteurs internationaux. Cette intervention a pris des formes diverses : garantie de la dette, recapitalisation, nationalisation partielle ou totale, structure de défaisance garantie par les Etats pour les actifs défaillants. Généralement le fait des Etats, ces mesures de soutien ont, dans certains cas et dans l’urgence, été mises en œuvre par les banques centrales qui, en théorie, n’interviennent que comme « prêteur en dernier ressort », en cas de crise de liquidité, et non comme « garant en dernier ressort », en cas de crise de solvabilité.
Les institutions publiques ont donc substitué leur propre crédibilité financière à celle, perdue ou vacillante, des banques ou autres intermédiaires financiers. Parallèlement, des réformes complexes des modes de régulation du secteur financier ont été engagées, avec pour ambition de limiter le coût des crises futures pour les finances publiques.
Dans la zone Euro, ces différentes interventions publiques ont pris des formes complexes en raison, à la fois de la répartition des compétences entre les Etats-Membres, la Banque Centrale et l’Union Européenne, variable selon les domaines, et la crise de l’Euro qui est venue se surajouter à la crise financière de 2008-2009.
Dans un premier temps et pour résumer à gros traits, ce sont surtout les Etats-membres qui sont venus à la rescousse des banques et des autres institutions financières à la suite de la crise de 2008-2009. La BCE a de son côté baissé les taux d’intérêt, augmenté les financements mis à la disposition des banques et assoupli les conditions auxquels elle les accorde. La régulation financière étant traitée en Europe dans le cadre du « marché intérieur » et non de la politique économique et financière, l’effort de réforme de la régulation financière a été engagé à 27 plutôt que dans le cadre restreint de la zone Euro. La compétence sur la régulation financière étant, par ailleurs, partagée entre l’Union et les Etats-membres, ces derniers ont également mené des réformes de leur côté. Des tests de résistance des bilans bancaires à des scénarios défavorables (stress tests) ont été coordonnés au niveau européen avec de piètres résultats, puisque des banques déclarées « aptes » auraient fait faillites quelques mois ou semaines après ces test, n’était-ce le soutien public.
Avec la crise de l’Euro, les Etats de la zone ont apporté collectivement leur soutien aux pays en crise, via le Fond Européen de Stabilité Financière (FESF) devenu le Mécanisme Européen de Stabilité (MES). Ces pays ont eux-mêmes soutenu leur système bancaire. La BCE a d’abord contribué à cet effort en assouplissant encore les conditions des financements qu’elle octroie aux banques avant d’apporter à ces dernières un soutien exceptionnel, à la fin de 2011 et au début de 2012, sous la forme de prêts d’une maturité exceptionnellement longue et d’un montant global très élevé, 1 000 milliards d’Euro environ (programme LTRO). Enfin, il a été décidé de permettre au MES d’intervenir directement dans la recapitalisation du secteur bancaire des pays en crise, ce qui a été fait en faveur des banques espagnoles au début de 2013. Parallèlement, la réforme de la régulation financière s’est poursuivie, à un rythme plutôt ralenti et selon les mêmes modalités qu’auparavant, au niveau de chaque Etat et de l’Europe à 27.
Il aura fallu attendre la mi-2012 pour que la zone Euro s’engage dans une démarche propre de régulation financière, avec la décision du Conseil Européen des 28 et 29 juin 2012 de mettre en œuvre un mécanisme de supervision unique des banques européennes sous l’égide de la BCE.
Cette décision de principe a été complétée par une communication de la Commission du 12 septembre 2012 qui propose que la zone Euro constitue une « union bancaire » qui s’appuierait sur trois piliers : le mécanisme unique de supervision des banques, une assurance commune des dépôts et une procédure commune de gestion ordonnée des faillites bancaires.
Cette entreprise tend à faire rentrer l’Euro dans le droit commun des zones monétaires avec une supervision bancaire unique et des mécanismes de protection assurantiels communs.
Il manque toutefois encore la pierre angulaire de cet édifice. Quelle que soit l’efficacité de la régulation et de la supervision financière, le volume des fonds de réserve destinés à faire face à une éventuelle crise financière, l’agilité de la BCE à faire face aux situations de crise, une monnaie a besoin d’un garant en dernier ressort, comme la crise de 2008-2009 l’a bien montré.
Dans les autres zones monétaires, ce rôle est joué – de manière implicite mais suffisamment claire – par la crédibilité économique, politique et financière de l’Etat qui émet la monnaie, une crédibilité qui doit à la fois beaucoup à la gestion de l’Etat lui-même et au dynamisme de l’économie sur laquelle il est susceptible de prélever les ressources nécessaires à un éventuel soutien au secteur financier.
Dans le cas de l’« union bancaire », on ne sait pas qui viendrait à la rescousse du fond de garantie des dépôts si les ressources constituées par ce dernier venaient à s’épuiser, on ne sait pas à qui reviendrait la responsabilité de mobiliser des ressources suffisantes pour qu’une faillite bancaire, même ordonnée, ne se transforme pas en crise systémique. On peut simplement supputer que les Etats-membres de la zone Euro trouveraient les moyens d’y faire face en tâtonnant, comme c’est le cas depuis 2010, mobilisant peut-être, in fine, le bilan des plus robustes d’entre eux.
Les Allemands préfèrent manifestement que cette question soit clarifiée. Ils font valoir que la gestion commune des faillites bancaires n’est pas compatible avec les traités actuels (mais, peut-être, aussi avec leurs propres contraintes constitutionnelles et politiques) et affirment, comme en matière budgétaire, leur préférence pour des solutions nationales. Un compromis a été trouvé sur ce point avec la France dans une déclaration commune du 30 mai 2013 qui propose le maintien d’autorités de résolution nationales au côté d’un conseil de résolution unique et, au niveau de la zone Euro, « un dispositif de soutien privé […] sur la base des dispositifs de soutien privés au niveau national ».
Cela risque de ne pas être suffisant pour que l’Euro dispose du garant en dernier ressort, même implicite, qu’exige sa pérennité.
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