Banques centrales et création monétaire aux États-Unis et en zone Euro
Depuis le démarrage et l’essor des opérations dites « non conventionnelles » des grandes banques centrales, une expression fait florès chez les journalistes, celle de « planche à billets » qui serait, d’après eux, vigoureusement actionnée par les instituts d’émission. Cette expression imagée permet d’expédier la question des incidences exactes de ces opérations.
Par Jean-Pierre Patat
Billet du 24 mai 2013
Un moyen de tenter d’y voir clair est de se référer à l’évolution de la masse monétaire dans ces deux zones.
Si l’on s’en tient à une définition étroite de la monnaie, c'est-à-dire l’agrégat monétaire M1 (billets, monnaies métalliques et dépôts à vue), on constate un net décalage entre les États-Unis et la zone euro. Aux États-Unis, M1 qui progressait très peu en 2006, augmente de 15 % en rythme annuel en 2009, de 16 % en 2011, pour ralentir à 10 % durant le premier trimestre 2013. En zone euro, la progression de M1 est de près de 7 % en 2006, de 11 %, en 2009 pour redescendre à 3 % en 2011, puis remonter à 7 % en 2013.
Mais l’agrégat M1 ne donne qu’une image partielle de la monnaie en circulation, laquelle englobe non seulement les moyens de paiement immédiats (billets, monnaies métalliques et comptes à vue utilisables par chèques, virements ou cartes), mais aussi tous les placements dits « liquides », c'est-à-dire non utilisables directement pour les règlements, rapportant un intérêt et aisément transformables en moyens de paiement immédiats, sans pertes en capital. Il faut donc se référer aux agrégats « larges », M3 en Europe, M2 aux États-Unis, pour avoir une analyse correcte de la création monétaire. Aux États-Unis, M2, qui progressait de 6 % en 2006, augmente toujours de 6 % en 2009, monte à 8,5 % en 2011, revient à 6,5 % au premier trimestre 2013. En zone euro, M3, qui progressait de 8 % en 2006, n’augmente plus que de 2/3 % en 2009 et en 2011 pour remonter à près de 4 % durant les premiers mois de 2013. Ces chiffres montrent que les progressions élevées de l’agrégat M1 traduisaient non pas une forte création monétaire, mais des arbitrages de placements et de trésoreries ayant privilégié, dans ces périodes particulièrement anxiogènes, le « cash » sur les placements, même non risqués.
Malgré tout, et si on se rapporte aux agrégats « larges », il y a eu incontestablement une création monétaire plus vigoureuse aux États-Unis qu’en zone euro. Dans les deux zones, la crise a considérablement réduit la principale source de création monétaire, la distribution de crédits par les banques. On peut donc supposer qu’aux États-Unis, les opérations de la banque centrale ont eu un effet plus expansionniste sur la masse monétaire qu’en zone euro. Les rachats de tires de dette publique ont été plus massifs. Certes, ces rachats, effectués sur les marchés, ont pour principales contreparties des banques, c'est-à-dire qu’ils alimentent non pas la masse monétaire mais les avoirs des banques en monnaie interbancaire de « banque centrale ». Mais ces rachats peuvent aussi, pour une part minoritaire, alimenter les trésoreries de non-banques détentrices de titres obligataires, des investisseurs institutionnels par exemple (fonds communs de placement, caisses de retraite, fonds d’épargne) et, de ce fait, bénéficier in fine aux ménages qui ont déposé leurs fonds chez ces organismes. C’est dans ce cas, et dans ce cas seulement, que l’on peut parler de « planche à billets ». S’agissant de la BCE dont les rachats de titres ont été très inférieurs à ceux de la Fed, cet effet « planche à billets » n’a sans doute pu jouer que marginalement.
Pour autant, il est tout à fait abusif et simplificateur à l’excès, donc faux, de dire que la Fed « fait marcher la planche à billets » avec ses rachats de titres. Si c’était effectivement le cas, vu les montants considérables de ces rachats, la masse monétaire américaine aurait explosé, peut -être à plus de 20 %. Les progressions constatées, 8,5 % au maximum, sont certes supérieures à celles de la masse monétaire européenne, mais tout à fait dans la moyenne de ce qui était observé avant la crise.
Au vrai, il ne faudrait parler de « planche à billets » que si la banque centrale achetait directement les titres à l’emprunteur, c’est-à-dire au Trésor, ce qu’aucune banque centrale ne fait dans les pays avancés.
Si l’on s’en tient à une définition étroite de la monnaie, c'est-à-dire l’agrégat monétaire M1 (billets, monnaies métalliques et dépôts à vue), on constate un net décalage entre les États-Unis et la zone euro. Aux États-Unis, M1 qui progressait très peu en 2006, augmente de 15 % en rythme annuel en 2009, de 16 % en 2011, pour ralentir à 10 % durant le premier trimestre 2013. En zone euro, la progression de M1 est de près de 7 % en 2006, de 11 %, en 2009 pour redescendre à 3 % en 2011, puis remonter à 7 % en 2013.
Mais l’agrégat M1 ne donne qu’une image partielle de la monnaie en circulation, laquelle englobe non seulement les moyens de paiement immédiats (billets, monnaies métalliques et comptes à vue utilisables par chèques, virements ou cartes), mais aussi tous les placements dits « liquides », c'est-à-dire non utilisables directement pour les règlements, rapportant un intérêt et aisément transformables en moyens de paiement immédiats, sans pertes en capital. Il faut donc se référer aux agrégats « larges », M3 en Europe, M2 aux États-Unis, pour avoir une analyse correcte de la création monétaire. Aux États-Unis, M2, qui progressait de 6 % en 2006, augmente toujours de 6 % en 2009, monte à 8,5 % en 2011, revient à 6,5 % au premier trimestre 2013. En zone euro, M3, qui progressait de 8 % en 2006, n’augmente plus que de 2/3 % en 2009 et en 2011 pour remonter à près de 4 % durant les premiers mois de 2013. Ces chiffres montrent que les progressions élevées de l’agrégat M1 traduisaient non pas une forte création monétaire, mais des arbitrages de placements et de trésoreries ayant privilégié, dans ces périodes particulièrement anxiogènes, le « cash » sur les placements, même non risqués.
Malgré tout, et si on se rapporte aux agrégats « larges », il y a eu incontestablement une création monétaire plus vigoureuse aux États-Unis qu’en zone euro. Dans les deux zones, la crise a considérablement réduit la principale source de création monétaire, la distribution de crédits par les banques. On peut donc supposer qu’aux États-Unis, les opérations de la banque centrale ont eu un effet plus expansionniste sur la masse monétaire qu’en zone euro. Les rachats de tires de dette publique ont été plus massifs. Certes, ces rachats, effectués sur les marchés, ont pour principales contreparties des banques, c'est-à-dire qu’ils alimentent non pas la masse monétaire mais les avoirs des banques en monnaie interbancaire de « banque centrale ». Mais ces rachats peuvent aussi, pour une part minoritaire, alimenter les trésoreries de non-banques détentrices de titres obligataires, des investisseurs institutionnels par exemple (fonds communs de placement, caisses de retraite, fonds d’épargne) et, de ce fait, bénéficier in fine aux ménages qui ont déposé leurs fonds chez ces organismes. C’est dans ce cas, et dans ce cas seulement, que l’on peut parler de « planche à billets ». S’agissant de la BCE dont les rachats de titres ont été très inférieurs à ceux de la Fed, cet effet « planche à billets » n’a sans doute pu jouer que marginalement.
Pour autant, il est tout à fait abusif et simplificateur à l’excès, donc faux, de dire que la Fed « fait marcher la planche à billets » avec ses rachats de titres. Si c’était effectivement le cas, vu les montants considérables de ces rachats, la masse monétaire américaine aurait explosé, peut -être à plus de 20 %. Les progressions constatées, 8,5 % au maximum, sont certes supérieures à celles de la masse monétaire européenne, mais tout à fait dans la moyenne de ce qui était observé avant la crise.
Au vrai, il ne faudrait parler de « planche à billets » que si la banque centrale achetait directement les titres à l’emprunteur, c’est-à-dire au Trésor, ce qu’aucune banque centrale ne fait dans les pays avancés.
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