Retour sur la position de la Bundesbank sur le projet d’union bancaire
Les dirigeants de la Bundesbank avaient vigoureusement tiré la sonnette d’alarme sur les risques que le projet d’union bancaire faisait courir à l’indépendance de la BCE. Un article récent de Jens Weidman, président de l'institution, relance le débat.
Par Jean-Pierre Patat
Billet du 24 avril 2013
S’étant posés depuis longtemps en ronchonneurs de la zone euro et en défenseurs d’une politique de stabilité monétaire à leurs yeux menacée par les mesures hors norme prises par la BCE, les dirigeants de la Bundesbank avaient sans surprise, dans un premier temps, vigoureusement tiré la sonnette d’alarme sur les risques que le projet d’union bancaire faisait courir à l’indépendance de la Banque Centrale Européenne.
Dans un article très fourni publié par une revue financière américaine, Jens Weidman, président de la Bundesbank, revient sur cette question avec un argumentaire qui contraste certes avec les jugements tranchés qu’on avait pu entendre, mais ne permet pas pour autant de conclure à une acceptation du projet par l’institution.
Monsieur Weidman commence par lister les avantages que procurerait une union bancaire entendue comme la combinaison d’une supervision bancaire intégrée et d’un mécanisme commun de résolution des crises bancaires et de restructuration : meilleure visibilité et transparence des systèmes bancaires nationaux ; moindre complaisance des systèmes bancaires nationaux envers le gouvernement de leur pays et son endettement ; uniformisation des critères de contrôle et, par conséquent, meilleure situation de concurrence.
Après ces considérations qui peuvent valoir approbation, le président de le Bundesbank énumère les conditions à ses yeux indispensables pour que l’union bancaire puisse fonctionner. Certaines sont d’évidence comme la nécessité de maintenir des compétences aux niveaux nationaux. D’autres sont plus difficiles à obtenir, pour ne pas dire plus : ainsi, Monsieur Weidman, estimant que les problèmes des systèmes bancaires sont souvent très largement liés à la gestion des finances publiques et de l’endettement de l’État, déclare indispensable, d’une part une instance supranationale d’interventions et de sanctions à l’égard des États qui ne respectent pas les règles communautaires en la matière, d’autre part une règle limitant strictement l’exposition des banques aux dettes souveraines, exposition qui, de toutes manières, devrait être adossée à des ressources en capital. On le voit, mêlant habilement, en les déclarant indissociables, les problèmes bancaires et la gestion des finances publiques, Monsieur Weidman met la barre très haut dans les conditions qu’il estime indispensables. Tellement haut, en particulier pour la deuxième exigence (limiter les achats de titres publics par les banques) que leur satisfaction semble plus que problématique.
En conclusion, l’auteur pose les questions du contrôle parlementaire sur la mission de supervision bancaire européenne et la question des liens de cette mission avec celle de stabilité des prix. Des questions qui l’amènent à critiquer la décision de confier cette supervision à la BCE. Sur la question du contrôle parlementaire, le président de la Bundesbank estime qu’il faudrait, au sein de la BCE, une cloison totalement étanche entre les opérations de supervision et celles de politique monétaire. Mais comme il pense qu’en pratique ce sera impossible, il en déduit que l’indépendance de l’institution sera menacée. Sur la conciliation de la mission de supervision avec celle de maintien de la stabilité des prix, Monsieur Weidman reprend l’idée du risque de conflit d’intérêts. On peut se demander s'il croit vraiment à ce dernier argument. C’est d’abord avoir une piètre estime des dirigeants des banques centrales que de penser que le désir de ne pas créer des problèmes à une/des banques puisse influencer leurs décisions en matière de taux d’intérêt. C’est ensuite nier le fait que ces conflits ne surgissent nullement dans les pays où les banques centrales sont déjà en charge de la supervision bancaire. C’est feindre de croire que si cette supervision est confiée à un autre organisme, la banque centrale est totalement ignorante des problèmes du système bancaire. C’est enfin nier l’importance de la stabilité financière, devenue une exigence aussi cruciale que celle de la stabilité des prix.
Si l’article n’est pas un baroud d’honneur, cela promet de beaux débats et la position d’opposition de la Bundesbank au sein du conseil des gouverneurs de la Banque Centrale Européenne devient quasi structurelle.
Dans un article très fourni publié par une revue financière américaine, Jens Weidman, président de la Bundesbank, revient sur cette question avec un argumentaire qui contraste certes avec les jugements tranchés qu’on avait pu entendre, mais ne permet pas pour autant de conclure à une acceptation du projet par l’institution.
Monsieur Weidman commence par lister les avantages que procurerait une union bancaire entendue comme la combinaison d’une supervision bancaire intégrée et d’un mécanisme commun de résolution des crises bancaires et de restructuration : meilleure visibilité et transparence des systèmes bancaires nationaux ; moindre complaisance des systèmes bancaires nationaux envers le gouvernement de leur pays et son endettement ; uniformisation des critères de contrôle et, par conséquent, meilleure situation de concurrence.
Après ces considérations qui peuvent valoir approbation, le président de le Bundesbank énumère les conditions à ses yeux indispensables pour que l’union bancaire puisse fonctionner. Certaines sont d’évidence comme la nécessité de maintenir des compétences aux niveaux nationaux. D’autres sont plus difficiles à obtenir, pour ne pas dire plus : ainsi, Monsieur Weidman, estimant que les problèmes des systèmes bancaires sont souvent très largement liés à la gestion des finances publiques et de l’endettement de l’État, déclare indispensable, d’une part une instance supranationale d’interventions et de sanctions à l’égard des États qui ne respectent pas les règles communautaires en la matière, d’autre part une règle limitant strictement l’exposition des banques aux dettes souveraines, exposition qui, de toutes manières, devrait être adossée à des ressources en capital. On le voit, mêlant habilement, en les déclarant indissociables, les problèmes bancaires et la gestion des finances publiques, Monsieur Weidman met la barre très haut dans les conditions qu’il estime indispensables. Tellement haut, en particulier pour la deuxième exigence (limiter les achats de titres publics par les banques) que leur satisfaction semble plus que problématique.
En conclusion, l’auteur pose les questions du contrôle parlementaire sur la mission de supervision bancaire européenne et la question des liens de cette mission avec celle de stabilité des prix. Des questions qui l’amènent à critiquer la décision de confier cette supervision à la BCE. Sur la question du contrôle parlementaire, le président de la Bundesbank estime qu’il faudrait, au sein de la BCE, une cloison totalement étanche entre les opérations de supervision et celles de politique monétaire. Mais comme il pense qu’en pratique ce sera impossible, il en déduit que l’indépendance de l’institution sera menacée. Sur la conciliation de la mission de supervision avec celle de maintien de la stabilité des prix, Monsieur Weidman reprend l’idée du risque de conflit d’intérêts. On peut se demander s'il croit vraiment à ce dernier argument. C’est d’abord avoir une piètre estime des dirigeants des banques centrales que de penser que le désir de ne pas créer des problèmes à une/des banques puisse influencer leurs décisions en matière de taux d’intérêt. C’est ensuite nier le fait que ces conflits ne surgissent nullement dans les pays où les banques centrales sont déjà en charge de la supervision bancaire. C’est feindre de croire que si cette supervision est confiée à un autre organisme, la banque centrale est totalement ignorante des problèmes du système bancaire. C’est enfin nier l’importance de la stabilité financière, devenue une exigence aussi cruciale que celle de la stabilité des prix.
Si l’article n’est pas un baroud d’honneur, cela promet de beaux débats et la position d’opposition de la Bundesbank au sein du conseil des gouverneurs de la Banque Centrale Européenne devient quasi structurelle.
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