BCE : super Mario fait sa rentrée
Retranscription écrite de l'émission du 6 septembre "Les idées claires d'Agnès Bénassy Quéré", chronique hebdomadaire sur France Culture le jeudi matin à 7h38
Par Agnès Bénassy-Quéré
Audio du 6 septembre 2012
En ces temps de crise, le mois d’août aura été étrangement calme sur les marchés. Bien différent, par exemple, d’août 2011, tout secoué de l’arrivée de la crise en Italie, de la chute des bourses et des rumeurs de faillites bancaires. Cette année ne semblait pas mieux se présenter. Les gouvernements étaient partis en vacances en laissant en suspens des dossiers clés comme la taille du fonds de soutien européen ou leur stratégie vis-à-vis des banques. Rien n’était en place pour contrer une possible crise spéculative en Espagne ou en Italie. Mais voilà que Mario Draghi, le 26 juillet, déclare à Londres que la BCE qu’il dirige - je traduis de l’anglais - « est prête à tout pour la préservation de l’euro » ; et d’ajouter, sibyllin, « croyez-moi, ce sera assez ». Enthousiasme des marchés qui traduisent, cette fois dans la langue des traders : en cas d’attaque spéculative, la BCE se mettra en travers du chemin en rachetant autant qu’il le faudra des titres de dette espagnole ou italienne. Or, la banque centrale a des moyens infinis pour acheter ce qui est en euros puisqu’elle-même fabrique les euros. Elle a donc plus de moyens que tous les spéculateurs réunis et cela change la donne : à partir de là, il devenait risqué de spéculer sur l’Italie ou l’Espagne.
Cette stratégie pose pourtant quelques problèmes. Une bonne partie des Allemands (et tout spécialement la Bundesbank) y sont farouchement opposés ; et puis la BCE n’aidera que ceux qui accepteront de se soumettre à de rudes conditions. Mario Monti acceptera-t-il un diktat de Mario Draghi ? Plus fondamentalement, les partenaires européens sont-ils prêts à laisser leur banque centrale prendre des paris sur l’Espagne ou sur l’Italie ? Croient-ils vraiment que les gouvernements successifs vont poursuivre dans la voie du redressement des finances publiques et que la croissance sera au rendez-vous ? Car ne nous y trompons pas : Mario Draghi est un banquier central, non un magicien central : il peut racheter des titres de dette, mais pas les faire disparaître ; ces titres devront donc être remboursés. La BCE ne peut rien sans la coopération des gouvernements.
Une coopération que Mario Draghi a, depuis son arrivée à la Francfort il y a moins d’un an, sérieusement reprise en main. Il a réclamé un pacte budgétaire, il l’a eu ; il a réclamé une union bancaire, le principe en a été acté. Aujourd’hui, premier Conseil des gouverneurs de la BCE de la rentrée, première conférence de presse. Que demandera-t-il à ses partenaires ? Avec sa hotte chargée de cadeaux, Père-Noël avant l’heure, il peut exiger beaucoup : de la rigueur budgétaire ; mais aussi une accélération des réformes institutionnelles et un partage du risque avec les gouvernements – façon de s’assurer que leurs intérêts coïncident avec ceux de la BCE… et de ne pas se brûler la barbe en descendant les cadeaux dans les cheminées.
Rarement président de banque centrale aura autant été sous pression. Les marchés ont passé l’été à formuler hypothèses et contre-hypothèses ; les rumeurs les plus folles ont circulé. Super-Mario a même séché la grand-messe annuelle des banquiers centraux, à Jackson Hole, dans le Wyoming, où l’attendait son ami Ben Bernanke, le président de la Fed. Tout cela pour affûter sa stratégie : « vous n’aurez rien sans rien » ; encore faut-il définir ce rien : un bazooka ou la grosse Bertha ; mieux vaut ici éviter le fusil à un coup.
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