Le blog du CEPII

Taxes financières

Retranscription écrite de l'émission du 26 janvier "Les idées claires d'Agnès Bénassy Quéré", chronique hebdomadaire sur France Culture le jeudi matin à 7h38.
Par Agnès Bénassy-Quéré
 Billet du 25 janvier 2012




Combien coûte une crise bancaire ? Il y a plusieurs manières de calculer. La première est de regarder l’expérience passée. Sur 60 grosses crises survenues entre  1977 et 2007, le coût brut moyen est de 14% du PIB. Mais il est probable que le coût des crises est plus élevé aujourd’hui que naguère car la finance s’est considérablement développée. Une deuxième évaluation est la hausse de la dette publique en Europe depuis 2007 : +20 points de PIB en moyenne, avec un pic à +83 points pour l’Irlande. Mais la crise, hélas, n’est pas finie. Un troisième calcul consiste alors à regarder les montants que l’Etat devrait débourser s’il devait renflouer toutes les banques considérées comme « trop grandes pour faire faillite ». Les montants sont alors vraiment impressionnants : 90% du PIB pour la France, 167% pour l’Espagne et jusqu’à 287% pour Chypre. Même si ces derniers chiffres surestiment certainement le risque, une conclusion s’impose : les grandes banques européennes ne sont pas seulement trop grandes pour faire faillite ; elles sont aussi trop grandes pour être sauvées en cas de coup dur. Que faire ?

Une première idée est de découper les banques en morceaux et d’isoler les morceaux de choix, ceux que l’on souhaite vraiment préserver car ils sont indispensables au financement de l’économie, en particulier la banque de détail. C’est la voie choisie par le Royaume-Uni et, plus timidement, par les Etats-Unis. Mais ce n’est pas la panacée, loin de là. Lehman Brother n’était pas une banque de détail,  et pourtant ce fut une grave erreur que de la laisser faire faillite. Un gouvernement hésitera désormais à abandonner une grande banque d’investissement comme une banque de détail.

Dans le même esprit, une deuxième manière de traiter le problème des grandes banques est de les forcer à une cure d’amincissement en durcissant les normes de capital. Le problème, c’est que pour maigrir, les banques risquent d’adopter un régime sans crédit aux PME et aux Etats. En cette période morose, toute l’économie risque de perdre du poids.

Finalement, la meilleure d’aborder la question, c’est peut-être que les banques payent elles-mêmes l’assurance implicite que leur offre l’Etat, voire qu’elles décident de maigrir à leur rythme sous l’influence d’une taxe. Dans les années 1920, Arthur Pigou avait proposé de taxer les cheminées pour lutter contre le fog londonien. L’idée du pollueur-payeur a, depuis lors, fait son chemin et elle peut s’appliquer aux banques. Mais si l’on suit bien la logique, il faudrait taxer les bilans bancaires et non les transactions financières, ceci pour trois raisons. D’abord, le coût d’une crise bancaire (la pollution) est grosso modo proportionnel au bilan des banques et non au montant des transactions. Ensuite, les bilans bancaires sont moins mobiles que les transactions financières et il est donc moins difficile de les taxer. Enfin, une telle approche évite d’avoir à séparer les « bonnes » transactions (qu’on ne veut pas taxer) et les transactions supposées spéculatives, très difficiles à repérer. Mais étant donné l’ampleur des risques à couvrir, il est essentiel d’organiser une telle contribution directement au niveau européen. Renflouer une banque chypriote devrait être faisable au niveau européen, avec un budget européen abondé par les banques européennes. Pourquoi diable avons-nous une politique agricole commune et pas de politique bancaire commune ? les vaches semblent mieux gardées que les banques.
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