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Du G20 au W20, la croissance et le genre

En avril dernier, la présidence turque du G20 lançait formellement le W20 – le « Women » 20, groupe ayant pour mission d’assurer l’ « empowerment » des femmes dans les sphères économiques au sens large et de porter ses messages aux leaders mondiaux au sein du G20. Une initiative à souligner à l’heure où la Turquie fait face à d’importantes difficultés politiques.
Par Natacha Valla
 Billet du 26 octobre 2015


Le W20 tient son sommet mi-octobre à Istanbul. L’occasion de revenir sur les grandes priorités que la Turquie a choisies pour le G20, trois « piliers » - Inclusivité, Mise en Œuvre et Investissement – que le W20 a réinterprété autour des concepts de croissance (l’idée étant de renforcer la reprise mondiale et d’améliorer le potentiel de croissance), de résilience et de soutenabilité. Objectifs louables en ces temps de grands doutes sur le régime de croissance mondiale et sur le vacillement des économies émergentes, alors qu’en toile de fond plane le spectre des grandes transitions démographiques à venir dans le monde.

Y a-t-il une place pour la problématique de genre dans cette trilogie ? En réalité, elle lui est consubstantielle. Les leaders du G20 ne s’y sont d’ailleurs pas trompés par le passé. A Los Cabos en 2012, ils déclaraient nécessaire d’assurer une pleine participation des femmes à l’économie. Un an plus tard à Saint-Petersbourg, c’est l’inclusion financière et l’éducation des femmes qui devenaient une priorité. Enfin à Brisbane, l’an dernier, il fut question de réduire l’écart de participation au marché du travail entre les hommes et les femmes de 25% avant 2025. Un objectif considérable car il mènerait vers le marché du travail rien moins que 100 millions de femmes.

Les idées fourmillent pour assurer aux femmes une place comparable à celle des hommes dans l’économie – rupture du « glass ceiling », établissement de quotas, etc. Dans cette liste à la Prévert, quelles propositions privilégier, si les trois objectifs actuels du G20-W20 devaient être atteints ?

Pour la croissance, c’est clairement sur la participation à la force de travail qu’il faut agir. Elle est aujourd’hui de 56% pour les femmes contre 86% pour les hommes. Sur ce point, les estimations mises en avant par l’OCDE sont univoques : une convergence des taux de participation homme/femme permettrait de dégager un gain de PIB mondial de 12% d’ici à 2030, avec une amélioration de la croissance annuelle du PIB par habitant de 0.6%. Toujours bon à prendre.
 
Autre fait remarquable : la faible participation des femmes au marché du travail n’est pas l’apanage des pays en développement ou émergents. Elle concerne tout autant les économies matures. Ainsi, selon les estimations de la Banque Mondiale, la participation des femmes stagnait en 2013 aux alentours de 50% en France, au Japon, ou encore en Italie – ces deux dernières économies étant aux prises avec un problème de vieillissement, de basse fertilité et une sous performance économique devenue chronique.
 
Pour la résilience, troisième pilier du G20, l’objectif prioritaire doit sans doute varier en fonction de la région du monde dont il s’agit. Pour les économies avancées, c’est sans doute le levier de l’équilibre « travail-vie » (le work-life balance cher aux anglo-saxons) qu’il faut actionner. Mais de façon plus générale, ce sont les conditions basiques de travail pour les femmes qui demandent à être améliorées. Là, les recommandations prennent une tournure tautologique, mais il n’est pas inutile de les rappeler : réduire les formes vulnérables et précaires de travail (la déclaration de Saint-Petersbourg soulignat déjà cet aspect), améliorer la qualité des emplois via les conditions de travail, la négociation salariale, la protection sociale. Doit-on pour cela introduire des cibles, comme par exemple un objectif chiffré pour la réduction du nombre d’emplois sans protection sociale dans le monde ? Il n’est pas certains que cela ait un effet concret, mais il n’est pas inutile d’en énoncer le principe. Cela marque les esprits.
 
Enfin, la soutenabilité. A l’approche de la conférence des parties sur le climat, la COP21, le monde semble avoir compris qu’il s’agit de l’affaire de tous, hommes-femmes confondus. Les grandes problématiques énergétiques nous le rappellent. Mais s’il devait y avoir une dimension de genre autour de la soutenabilité environnementale, elle tournerait sans doute autour de la sécurité alimentaire et de la protection agricole. Les femmes jouent un rôle important dans le monde rural émergent et en développement.
 
Faudra-t-il être volontariste dans la conduire des politiques économiques pour atteindre les objectifs du G20 via le genre ? On aimerait que l’évolution des comportements se fasse spontanément afin que les économies glissent naturellement vers les circonstances qui leurs sont les plus favorables. Mais le temps passe, et l’expérience montre que sans politiques économiques proactives pour catalyser le changement, les résultats ne sont pas au rendez-vous. Les pays nordiques semblent avoir trouvé la recette : il s’agit certes de quotas de genre pour les conseils d’administration, de crèches et de congés paternels. Mais il s’agit aussi et surtout de mentalité.

Cet article a été publié dans L' Agefi Hebdo le 23 octobre 2015.
Politique économique 
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